The Handmaid's Tale : La Servante écarlate par Christine Deschamps

Au terme de la première saison de cette saisissante série, j'ai déjà fermement l'intention de voir les deux suivantes. En effet, les scénaristes nous laissent dans une incertitude d'une telle cruauté quant au sort de l'héroïne qu'ils s'assurent immanquablement de notre fidélité pour la suite des événements. Mais leur sadisme savant n'était déjà plus à démontrer tant ils prennent plaisir à nous malmener dès le tout premier épisode. La dystopie faisant des États-Unis le ferment possible d'une dictature fondamentaliste est suffisamment proche d'une certaine réalité pour provoquer des frissons d'horreur... En fait, l'auteure du livre avait finement anticipé la radicalisation de certains intégristes bêlants pour que son histoire se pare de tous les atours du réel. Il ne manque que les mutilations et les exécutions pour que son monde d'épouvante prenne forme sous nos yeux aux journaux du soir. Aux États-Unis, s'entend, parce qu'il suffit de braquer ses caméras sur d'autres recoins obscurs du monde pour trouver des images d'actualité à la hauteur de l'imagination retorse de Margaret Atwood. Du coup, l'immersion dans la descente aux enfers de l'héroïne, June, est d'une facilité déstabilisante. Que faudrait-il en effet pour que les entorses quotidiennes aux droits des femmes se muent en une traque systématique, hargneuse et violente, soutenue par des forces armées dégagées de toute retenue par l'addiction aux minuscules abus de pouvoir et au délire de supériorité factice ? Quelle folie habite ceux qui rêvent d'ériger des lois à leur image, imposables à tous, qui les libéreraient de la nécessité de défiler avec des poussettes derrière des slogans haineux, sous des bannières divines coloriées avec les feutres de leurs gamins conditionnés ? Quelle mouche radioactive peut bien piquer ces femmes austères jusqu'à l'aridité spécialisées dans la surveillance vindicative de leurs semblables ou la délation, au profit d'un ordre machiste à la bonne conscience survitaminée ? Il en faudrait bien peu, vraiment, pour nous précipiter tous dans une machine mortifère à broyer les germes les plus fragiles de notre humanité. Il se trouvera toujours des brutes en uniforme pour jubiler de l'impunité accordée à leur violence par un pouvoir opportunément aveugle. Et des dirigeants en quête d'alibis divins pour justifier leurs névroses mortifères. En fin de compte, ce conte cruel, sombre comme une nuit sans lune, gratte des croûtes à vif. J'hésite toujours à l'heure de déterminer si le jeu en vaut la chandelle. Faut-il continuer encore et encore à nous mettre en garde ou cesser enfin d'entretenir cette rage de résister qui gronde en nous ? Les deux options présentent d'égales vertus et autant d'inconvénients, puisque nous sommes toujours si divisés... Autant dire que la parabole de cette servante écarlate n'a pas fini de creuser son sillon et de s'imposer comme une fiction importante et pleine de sens de notre époque. Trois fois hélas.

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le 14 févr. 2020

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