The Killing
7.8
The Killing

Série DR1, Arte (2007)

Il y a bien des manières de regarder ou d'analyser une série policière. Certaines des critique qui ont été publiées ici fournissent des observations passionnantes, sur la nuit, la lenteur, les personnages (les pulls), le scénario, et en particulier sur ce dernier point la manière dont on arrive à tenir en haleine le public pendant vingt épisodes (sans être une série coréenne...). Je n'ai rien à ajouter à tout cela, nous avons vu la même chose et même si nous venons d'horizons divers tous ces aspects, qu'on apprécie la série ou pas, sont globalement perçus de la même manière.


Je voudrais simplement, peut-être parce que j'ai vingt ans de retard (en général mais aussi sur la diffusion de cette série), m'arrêter sur un aspect de la structure narrative qui m'a particulièrement frappé. Les personnages impliqués dans l'affaire distillent leur vérité au compte goutte. Ils ne mentent jamais, ou presque, mais ils ne disent pas tout, voire ils ne disent rien, et c'est l'avancée de l'enquête, des éléments qui ressortent par ailleurs, qui les obligent eux mêmes à avancer, à en dire plus.


Si on se place dan un référentiel policier classique (en gros dès années 20 à 50). on retrouve ici une logique commune à Marlowe et à beaucoup d'autres : je parle à X qui me dit A, puis à Y qui me dit B, je retourne voie A qui me dit à A' ce qui oblige Y ensuite à me dire B'. ET ici la série fonctionne bien ainsi par l'incrémentation des informations qui oblige chaque acteur à en dire plus.


Mais, j'ai senti derrière cette logique, très formelle, du polar classique, des formes de fêlures. Par exemple (et je ne spoile rien) lorsque la mère de la victime, face à l'évolution des version des divers protagonistes dit "je n'ai plus confiance", vous pouvez parler, je ne vous crois plus.


Et au fonde, si je regarde bien la série, la question essentielle qu'elle pose est bien celle là : la confiance face au langage ; puis je croire ce que mon interlocuteur me dit, au début, dans une version corrigées, dans une version re-re-corrigée. Si cela ne concernait que les enquêteurs ( la police), on serait dan un téléfilm banal, mais ici, il y a une forme d'incertitude profonde sur qui, ou quoi, croire qui est à la fois la structure de l'édifice et sa fragilité. Les personnages passent leur temps à chercher si leurs interlocuteurs disent vrai (jusqu'à une vérification étrange sur le débouchage de toilettes!) et semblent diviser le monde entre ceux qui mentent et ceux qui ne mentent pas, étant entendu que donner l'impression de ne pas mentir est une sensation temporaire qui ne demande ... qu'à être démentie.


Alors, face à une série vieille de presque vingt ans ( ni smartphones ni réseaux sociaux!) je me demande : est ce le signe d’une époque, d'un pays (les articulations complexes entre Suède et Danemark me semblent trop nombreuses pour ne pas être signifiantes), ou un simple jeu scénaristique ? Mon intuition tourne autour de l'idée que le Danemark de 2007 ( ou un peut avant, 2007 est la date de la diffusion de la 1e saison), est saisi par un trouble de l’identité : dans l'Europe mais hors de l'Euro qui est aussi un trouble de la vérité. Et le fait de mêler aussi profondément à l'intrigue des politiciens n'est pas anodin : où est le vrai, où est le faux, qui croire, comment le croire, avons nous eu raison de le croire, de ne pas le croire, a-t-il dit vrai, a-t-il menti ? Tout cela nous présente une société qui doute d'elle même et de ceux qui conduisent sa destinée. Et si j'insiste sur ce côté politique c'est parce que le versant social est pratiquement absent : à part deux ou trois considérations sur les relations danois de souche/immigrés, toute la série se déroule dans une ambiance middle class inférieure/supérieure que l'on n perçoit pas comme conflictuelle


Alors, "the killing" comme série symptôme des incertitudes danoises des années 2010 ? Hypothèse plausible à débattre.

wwmiles
8
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le 26 avr. 2024

Critique lue 8 fois

wwmiles

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