Ce qui les lie
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le 22 mars 2020
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Une cargaison de coke traverse l’Atlantique. Trois continents, trois arcs narratifs, des hommes (quasiment que des hommes) aux regards vides et à la testostérone silencieuse. ZeroZeroZero, c’est Narcos remixé par The Wire passé au filtre No Country for Old Men. Sauf qu’ici, personne ne semble comprendre ce qu’il fout là, et c’est peut-être ça, le cœur de la série : un monde gouverné par le vide.
Mais attention : un vide fasciné par sa propre violence, mis en scène avec le fétichisme esthétique des grandes copros internationales. Caméras drones sur ports industriels, gros plans sur les pupilles dilatées des commandos chrétiens au Mexique, slow-motion sur les visages fermés des mafieux en Calabre… Et au milieu de tout ça, la marchandise : la coke. Unité de mesure du pouvoir.
LA COKE, COMME MÉTAPHORE DU CAPITAL
ZeroZeroZero s’ouvre comme une série sur le narcotrafic, mais ce qu’elle décrit vraiment, c’est une économie politique de la mort. Une vision où la cocaïne est le flux vital d’un capitalisme cannibale, un produit comme un autre, sauf qu’il génère plus de profits que le café, le blé et le textile réunis. La coke, ici, n’est pas une drogue. C’est un objet logistique. Elle ne se consomme pas, elle circule. Elle ne fait pas planer, elle finance des États, des milices, des armées. Elle rend les riches plus riches, et les pauvres encore plus pauvres - puis mort•es.
La vraie réussite de la série, c’est de montrer le narcotrafic non pas comme une déviance mais comme une infrastructure. Ce que la série ne dit jamais frontalement, mais qu’elle met en scène malgré elle : le narco est un produit brut de l’ordre néolibéral. Il ne le parasite pas. Il le prolonge.
UNE TRAGÉDIE SANS PEUPLE
Là où The Wire faisait apparaître des visages, des classes sociales, des quotidiens broyés, ZeroZeroZero choisit l’abstraction verticale. On suit :
Ce silence n’est pas un oubli. C’est une prise de position. En évacuant la question sociale, ZeroZeroZero réduit la guerre de la drogue à une chorégraphie fataliste, sans alternatives, sans causes ni effets. Juste des hommes qui tombent, comme des dominos sous anxiolytiques.
RELIGION, VIRILITÉ, MILITARISME
L’un des arcs les plus troublants est celui du commandant mexicain Manuel, chef des forces spéciales devenues cartel chrétien. Là, ZeroZeroZero flirte avec le fascisme mystique : évangiles et exécutions, purges et prières, armée du Christ en treillis, cocaïne comme hostie.
Et pourtant… aucune critique. Juste des plans sublimes, une musique angoissante, une ambiance de fin du monde. Ce que la série ne dit jamais clairement, c’est que ces hommes ne sont pas fous. Ils sont produits par des décennies d’ingérence, de militarisation, de pauvreté extrême et de corruption systémique. Mais dans ZeroZeroZero, le cartel devient une sorte de secte apocalyptique hors-sol. On regarde le monstre sans jamais suivre la main qui l’a nourri.
UNE ESTHÉTIQUE DU VIDE
Tout est beau. Trop beau. La série ressemble parfois à une pub pour Rolex tournée à Ciudad Juárez. Il y a un fétichisme de la violence. Un érotisme discret de la domination.
CONCLUSION : UNE FRESQUE GLOBALE SANS LUTTES LOCALES
ZeroZeroZero veut montrer le monde. Mais elle ne montre que sa surface. Elle veut dénoncer le trafic. Mais elle en épouse les formes. Elle veut dénoncer le système. Mais elle oublie les gens.
Pas de syndicalistes dans les ports. Pas de familles de disparus. Pas de quartiers populaires. Pas de luttes. Pas de féminisme. Pas de drogué•es. Juste des flux, du fric et des hommes qui tombent comme des sacs de farine.
Sous ses airs de grande série géopolitique, ZeroZeroZero est une grande série technocratique, fascinée par la mondialisation du crime mais sourde aux résistances qui s’y opposent. Le crime organisé n’est pas le cancer du système. Il est son jumeau illégitime.
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