Sorti en 2013, Aftershock marque l’avant-dernier chapitre discographique d’un groupe dont l’aura transcende les styles : Motörhead. À ce stade de leur carrière, Lemmy et ses acolytes n’ont plus rien à prouver. Et pourtant, Aftershock sonne comme un rappel : ce trio ne vieillit pas, il s’endurcit. Si l’album ne redéfinit pas leur formule, il offre néanmoins plusieurs fulgurances qui méritent qu’on s’y attarde. D’où cette note de 7.5/10 : une œuvre solide, honnête, avec des sommets sincères et quelques longueurs pardonnables.
Dès "Heartbreaker", l’album claque comme une porte qu’on ouvrirait à coups de pied. Le riff principal, à la fois gras et véloce, s’inscrit dans la tradition des morceaux d’ouverture à l’ancienne. Lemmy y crache son chant comme s’il voulait conjurer le temps qui passe. On sent une urgence familière, presque réconfortante. C’est du pur Motörhead, sans fioritures ni calculs, et ça fonctionne immédiatement.
"End of Time", placé plus loin dans l’album, continue dans cette veine sans concession. Son groove est plus lourd, plus menaçant. Ce morceau-là ne cherche pas la vitesse mais l’impact. Il martèle, il traîne ses bottes dans la poussière, et il impose un certain malaise, presque apocalyptique. On y retrouve un Lemmy plus sombre, plus grave, presque prophétique.
Et puis il y a "Lost Woman Blues", une vraie curiosité. C’est probablement l’un des morceaux les plus fascinants de l’album. Ici, Motörhead troque sa rage contre une langueur bluesy. Le tempo est ralenti, la voix de Lemmy prend une teinte presque mélancolique, et le tout dégage une atmosphère poisseuse, lourde de vécu. C’est dans ce genre de titres que le groupe parvient à briser sa propre image pour montrer autre chose, sans jamais tomber dans la parodie.
Même chose pour "Dust and Glass", encore plus introspectif. Il y a quelque chose de presque vulnérable dans ce morceau. On y entend un Lemmy moins rocailleux, plus humain. Ce genre d’ouverture est rare dans leur discographie, et elle donne à Aftershock une épaisseur qu’on ne perçoit pas forcément à la première écoute.
La structure de l’album est bien pensée : les morceaux plus rapides ("Coup de Grace", "Queen of the Damned", "Do You Believe") alternent avec des titres plus mid-tempo, évitant l’effet de saturation. Cependant, c’est peut-être aussi là que réside la limite de Aftershock. Il est trop sage par moments. Le groupe semble s’être donné pour mission de livrer un album "propre", carré, sans débordement. Ce qui, paradoxalement, enlève un peu du danger qu’on aime tant chez Motörhead.
Mais ce qu’il faut retenir, c’est que Aftershock reste un disque sincère. On sent une envie réelle de continuer à jouer, à créer, même si le corps de Lemmy commence à donner des signes de fatigue (ce qu’on saura rétrospectivement). Ce n’est pas un chant du cygne, mais plutôt une preuve de persévérance, de foi dans le rock’n’roll, avec ce grain de poussière qui fait toute la différence.
Aftershock n’est pas l’album le plus marquant de Motörhead, mais il est profondément respectueux de ce qu’est Motörhead. Il ne réinvente rien, mais il assume tout. Et c’est en cela qu’il reste intéressant : dans cette sincérité brute, cette fidélité à un son, à une attitude, à une certaine idée du rock.