Happy to You
6.7
Happy to You

Album de Miike Snow (2012)

Entre clair-obscur et éclats synthétiques : un bonheur en demi-teinte

En 2012, Miike Snow livre avec Happy to You un deuxième album ambitieux, plus introspectif et moins immédiat que leur premier opus. Loin de céder aux sirènes d’une pop facile, le trio suédois choisit ici la subtilité, l’exploration sonore, et une certaine distance émotionnelle. Une posture à la fois audacieuse… et légèrement frustrante. Avec une note de 7/10, j’exprime une appréciation sincère, teintée d’un léger regret : celui d’un potentiel immense, parfois sous-exploité.


Dès Enter the Joker’s Lair, l’album plante le décor : percussions mécaniques, nappes synthétiques froides, arrangements rigoureux. Il y a une vraie patte sonore, presque cinématographique par instants, comme si chaque morceau racontait un fragment d’un film étrange et feutré. Ce souci du détail et de la construction est indéniablement l’une des forces de l’album.


Mais cette recherche de cohérence et de raffinement finit parfois par devenir une cage dorée. Le son est beau, élégant… mais il manque de chair. La voix d’Andrew Wyatt, éthérée, volontairement distante, accentue cette impression de retenue. Là où on attendrait un frisson, une cassure, une montée dramatique, Miike Snow préfère l’équilibre. Cela donne un album intelligent, certes, mais aussi émotionnellement atone sur certains titres comme Devil’s Work ou Black Tin Box — ce dernier pourtant enrichi par la présence de Lykke Li, qui peine ici à insuffler une réelle intensité.


Heureusement, Happy to You n’est jamais ennuyeux. Et certains titres brillent véritablement. Paddling Out, par exemple, est un petit bijou de pop électro aux accents rétro-futuristes : un beat martial, une ligne mélodique catchy, et un clip complètement déjanté qui prolonge le côté fantasque du morceau. C’est sans doute le moment le plus immédiatement accessible de l’album, celui qui reste en tête, qui donne envie de bouger.


Archipelago mérite également d’être salué : plus posé, plus atmosphérique, il rappelle les ambiances glaciales de Röyksopp ou certaines productions de M83, avec une touche de mélancolie qui, ici, sonne juste. Pretender, quant à lui, réussit à combiner tension rythmique et sensibilité mélodique, et s’impose comme un autre temps fort de l’album.


Ces morceaux montrent ce que Miike Snow sait faire de mieux : surprendre, captiver, sans pour autant sacrifier leur singularité sonore. On y sent une vraie ambition musicale, un soin porté à chaque texture.


Là où Happy to You faiblit, c’est dans sa capacité à maintenir cette exigence sur la durée. Au fil de l’écoute, l’album semble tourner un peu en rond. L’uniformité des textures, la froideur des atmosphères, et l’absence de véritables ruptures rendent la seconde moitié de l’album moins marquante. Ce n’est pas désagréable, mais cela devient prévisible — et ce, malgré une production irréprochable.


On reste dans un entre-deux : ni totalement expérimental, ni franchement pop. Une position un peu floue qui peut séduire autant qu’elle peut lasser, selon l’humeur ou les attentes de l’auditeur.


En résumé, Happy to You est une œuvre élégante, pensée, parfois brillante, mais qui peine à émouvoir pleinement. C’est un disque que j’admire plus que je n’affectionne. Je reconnais sa qualité, son originalité, son honnêteté artistique. Mais j’aurais aimé y trouver davantage de vertige, de spontanéité, de vie. En cela, la note de 7/10 me semble juste : il y a du talent, de la rigueur, mais aussi une certaine froideur qui freine l’adhésion totale.


C’est un album qui mérite l’écoute, sans doute même plusieurs écoutes. Il ne cherche pas à plaire immédiatement — et en cela, il force le respect. Mais il lui manque cette étincelle, ce supplément d’âme qui transforme une bonne œuvre en moment inoubliable.

CriticMaster
7
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le 15 avr. 2025

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