À l’écoute de Home Again, premier opus de Michael Kiwanuka, on a cette sensation rare d’entrer dans un cocon sonore, un espace intime sculpté avec soin. En tant qu’auditeur, j’ai été touché par cette atmosphère feutrée, presque suspendue dans le temps, mais aussi parfois frustré par une retenue persistante, une émotion contenue qui ne demande qu’à éclore. D’où cette note de 7/10 : une belle œuvre, sincère et travaillée, mais qui semble s’auto-limiter.
Sur le plan technique, la production, signée Paul Butler, est d’une finesse remarquable. On entend un amour profond pour les textures analogiques, les sonorités organiques, la chaleur des vieux micros et des bandes magnétiques. Chaque instrument trouve sa place sans jamais dominer : les guitares acoustiques ont un grain velouté, les cordes sont discrètes mais expressives, et les percussions sont dosées avec précision. Rien ne déborde, tout est équilibré, comme si chaque fréquence avait été pesée au gramme près.
Ce mixage très épuré sert parfaitement la voix de Kiwanuka, qui est ici mise en avant sans artifices. Sa tessiture, légèrement voilée, crée une proximité immédiate avec l’auditeur. On entend la respiration, les tremblements dans les nuances, ce qui rend l’interprétation d’autant plus touchante. C’est une soul d’introspection, enregistrée comme un secret confié au creux de l’oreille.
Mais c’est justement là que l’émotion, bien que présente, semble parfois freinée. L’ensemble reste très contenu, presque trop poli. Les montées sont rares, les variations dynamiques limitées. Certains morceaux comme "I’ll Get Along" ou "Bones" manquent d’un décollage émotionnel, d’une tension plus marquée qui viendrait rompre le confort ambiant. On aimerait parfois que Kiwanuka lâche prise, qu’il prenne plus de risques, tant au niveau vocal que dans l’arrangement.
Sur le plan émotionnel, Home Again agit comme une caresse mélancolique. Il enveloppe l’auditeur dans une nostalgie douce, jamais pesante, souvent réconfortante. Il évoque les après-midis pluvieux, les souvenirs enfouis, les états d’âme calmes. C’est un disque qu’on n’écoute pas pour être surpris, mais pour ressentir une forme de constance émotionnelle, presque méditative. Et dans ce cadre-là, il fonctionne très bien.
Le titre éponyme, "Home Again", est sans doute l’un des meilleurs exemples de cet équilibre : tout y est — ligne de guitare limpide, mélodie immédiatement mémorable, voix vulnérable — mais toujours sous contrôle, comme si l’émotion était volontairement filtrée pour rester dans un certain classicisme.
En conclusion, Home Again est une réussite sur le plan de la production : précis, élégant, soigné jusqu’au moindre souffle. Il laisse cependant un goût de trop-peu du côté émotionnel, non pas parce que l’émotion est absente, mais parce qu’elle semble bridée. C’est un album profondément humain, beau dans sa simplicité, mais qui aurait pu être bouleversant s’il s’était autorisé plus de rugosité, plus de chaos, plus de vertiges. Un très bon début, mais encore un peu sage.