Sur Key to the Kuffs, MF DOOM reste fidèle à son style : une écriture dense, labyrinthique, truffée de références obscures, d’images absurdes et de jeux de mots ciselés. C’est à la fois la plus grande richesse de l’album… et sa limite.
DOOM ne rappe pas, il déverse. Il empile les rimes internes, détourne le sens commun, transforme la langue en puzzle. Des morceaux comme "Guv’nor" ou "Rhymin Slang" regorgent de punchlines aussi brillantes qu’impénétrables, demandant plusieurs écoutes pour en capter toutes les subtilités. C’est un vrai plaisir pour les amateurs de textes codés, mais cela peut aussi créer une distance avec l’auditeur.
Ce qui frappe ici, c’est la constance du masque : même lorsqu’il évoque son exil ou ses failles, DOOM reste insaisissable. Il évoque plus qu’il ne confesse. L’émotion est là, mais filtrée par le sarcasme et la mise en scène. À l’exception de "Winter Blues", plus intime, DOOM ne se livre jamais totalement – il préfère l’esquive brillante à la transparence.
En bref, Key to the Kuffs est une démonstration de style lyricale, mais parfois au détriment de la connexion émotionnelle. Un album à lire autant qu’à écouter, qui fascinera ceux qui aiment se perdre dans les mots, mais laissera peut-être sur le carreau les amateurs de récits plus directs.