Avec Researching the Blues, Redd Kross revient après une longue pause avec une assurance tranquille et une énergie presque juvénile. Mais derrière les guitares nerveuses et les mélodies accrocheuses se cache un élément souvent sous-estimé dans ce type de rock éclatant : des paroles pleines de malice, de distance ironique et de clairvoyance douce-amère.
Ce qui frappe d’abord, c’est la facilité avec laquelle le groupe aborde des thématiques apparemment légères — l’amour, la paranoïa urbaine, le spleen pop — pour en tirer des portraits incisifs et curieusement justes. Dans Stay Away from Downtown, par exemple, on lit entre les lignes une critique amusée de la superficialité branchée, comme si le groupe observait le monde autour de lui avec un sourire en coin, mi-affectueux, mi-lassé.
Les textes ne cherchent jamais l’effet de manche ou le choc poétique. Ils préfèrent la simplicité rusée, le mot bien placé, le ton narquois. Dracula’s Daughter est emblématique à cet égard : derrière la fantaisie gothique, c’est l’image d’une jeunesse perdue dans ses propres clichés qui se dessine. Il y a là une forme de lucidité, enveloppée dans le fun, qui donne toute sa personnalité à l’album.
Ce qui m’a particulièrement plu, c’est cette ambivalence constante : les paroles semblent légères, presque désinvoltes, mais elles témoignent d’un regard affûté sur les travers contemporains, les relations humaines, les illusions persistantes. Jeff McDonald chante comme s’il commentait une comédie dont il connaît déjà la fin, sans amertume, mais avec une forme d’élégance sarcastique.
La grande réussite de l’album, selon moi, est là : transformer le power pop en miroir ironique, en théâtre rock où chaque morceau raconte une petite scène — parfois drôle, parfois grinçante, mais toujours juste. Il y a une maîtrise de l’écriture qui surprend par sa retenue, par son refus de surjouer, et qui donne au disque une profondeur inattendue sous ses airs de fausse légèreté.
Alors certes, certains morceaux sont un peu plus anecdotiques, et tout ne frappe pas aussi fort que les titres les plus marquants. Mais dans l’ensemble, Researching the Blues m’a offert un vrai plaisir d’écoute, soutenu par une plume fine, vive, et étrangement touchante.
Je maintiens donc ma note de 8/10 : un album aussi brillant dans sa forme que dans le fond de ses paroles, qui prouve que l’humour, la mélodie et l’intelligence peuvent parfaitement cohabiter dans le rock.