Il y a des retours qui s’écoutent comme on relit une lettre jaunie retrouvée au fond d’un tiroir. That's Why God Made the Radio, en 2012, est de ceux-là. Plus qu’un simple album, c’est une capsule temporelle, un souffle venu d’un autre âge, où les vagues portaient les rêves et où le soleil semblait ne jamais se coucher. Mais comme souvent avec la nostalgie, le charme s’accompagne d’une légère brume — celle de ce qui ne reviendra plus tout à fait.


Sur le plan de la production, l’album est une œuvre minutieusement polie, comme une conque que l’on aurait passé des heures à nettoyer pour mieux faire résonner les échos d’antan. Brian Wilson, en chef d’orchestre discret mais décisif, y insuffle une touche délicate, respectueuse de l’héritage tout en veillant à ne jamais trop bousculer les fondations. Le mixage est clair, presque limpide : les harmonies vocales s’élèvent avec grâce, portées par une mer de guitares feutrées, de claviers nacrés, de cordes discrètes mais efficaces. C’est une production élégante, parfois précieuse, souvent contemplative.


Chaque titre est comme un coquillage posé sur le sable : certains murmurent des souvenirs dorés (Isn’t It Time, Spring Vacation), d’autres respirent la fin d’un été infini (Pacific Coast Highway, Summer’s Gone). Il y a une volonté manifeste de retrouver cette alchimie vocale qui a fait la légende des Beach Boys — et par instants, la magie opère. Les couches de voix se superposent avec une fluidité quasi surnaturelle, rappelant que peu de groupes ont su, comme eux, transformer l’harmonie en art majeur.


Mais c’est peut-être là aussi que le bât blesse. Car à force de caresser le passé, l’album peine parfois à exister pleinement dans le présent. Les structures sont sages, les rythmes peu aventureux, et les mélodies — bien qu’agréables — se suivent sans toujours se distinguer. On sent le désir de bien faire, mais aussi une certaine frilosité, comme si les Beach Boys marchaient sur la plage en regardant constamment derrière eux. Il manque cette étincelle, cette prise de risque qui aurait pu transformer le bel hommage en chef-d'œuvre testamentaire.


Ma note de 6,5/10 vient de là : c’est un album sincère, touchant, souvent beau… mais qui laisse derrière lui un parfum d’inachevé. Comme une photo en sépia qui fait sourire, mais qu’on repose avec une légère mélancolie.


En fin de compte, That's Why God Made the Radio n’est pas un coup d’éclat, mais une caresse : un souffle venu du large, empreint de douceur, de gratitude, et d’un peu de tristesse aussi. Un disque qui ne cherche pas à impressionner, mais à se souvenir. Et à ce titre, il mérite qu’on l’écoute — comme on écouterait la mer raconter une dernière histoire.

CriticMaster
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le 15 avr. 2025

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