Will Eisner, c'est un des pionniers du roman graphique; en effet, après avoir participé qu golden age du comic book aux USA, il décide, après le guerre, de raconter des histoires encrées dans notre monde réel, où le héros n'est autre qu'un personnage semblable au lecteur, avec ses petits tracas et bonheurs quotidiens.

Au coeur de la tempête c'est un voyage initiatique : autobiographique, l'histoire raconte la construction identitaire de notre jeune Will, depuis son enfance jusqu'à son enrôlement dans l'armée dans les années 40. L'auteur n'oublie pas qu'un homme ne se fait pas tout seul et que ses premiers modèles, ce sont ses parents ; par divers flashback il décide de nous dépeindre leur arrivée dans le nouveau monde. Car évidemment ses deux parents sont immigré et fille d'immigrés. Dès lors, en ces temps hostiles à la différence, il n'est pas évident pour la famille de s'intégrer.

L'intelligence d'Eisner, ce n'est pas de s'attaquer à l'antisémitisme sous forme de manichéisme traditionnel, non. Il veille toujours à inclure le contexte social, influençant malgré nous nos décisions. Ainsi, on comprend la haine que notre jeune protagoniste peut ressentir vis à vis de gens, mais jamais le lecteur ne pourra entièrement se mêler à cette haine, grâce à cette précision citée précédemment, et ainsi, Will stop le cercle vicieux de haine qui consisterait à haïr quelqu'un qui hait quelqu'un qui hait quelqu'un...

Graphiquement, l'auteur a toujours cette façon propre de raconter, entremêlant dessins cadrés et dessins non cadrés, les uns se fondant dans les autres. Un découpage efficace qui ne perd jamais en lisibilité. J'ai par contre été quelque peu déçu du trait: par moment les visages ne sont reconnaissables que par le contexte; son coup de poignet aurait il été trop souple? A part ça on retruove avec joie ce travail sur l'attitude corporelle, toujours transpirant de réalisme.

Bref il s'agit d'un grand récit fin, subtil, évitant les clichés, et délivré par un génie encore trop méconnu de ce côté ci de l'Atlantique. A découvrir d'urgence
Fatpooper
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le 20 janv. 2012

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Fatpooper

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