récidive. nom féminin



Action de commettre, dans des conditions précisées par la loi, une deuxième infraction après une première condamnation pénale définitive pour des faits de même nature.



Voilà pour ce qu'en dit la rouquine dans ses bottins. Et la loi, quelle est-elle pour spécifier l'infraction ? Elle est informelle celle-ci ; de même que celle qui spécifie qu'on ne met pas ses doigts dans son nez, ne pas perpétrer deux fois le même forfait artistique n'est pas réprimandé par la loi mais suffit à contrarier le plus grand nombre. Le plus grand nombre, c'est encore pour lui qu'il y a la loi.


Expédiées ces frasques de juriste impromptu, il faut en venir au cœur du sujet. Le lui percer même. Que meure la bête. Non que je n'éprouve une quelconque hostilité de principe à son égard. Elle n'était simplement pas aussi majestueuse qu'on me l'avait rapportée.


Gunnm, son aura, elle la tire de ses lecteurs plus que de ses pages. Ses lecteurs, des zigotos ardents et passionnés auprès desquels je ne me risquerais pas à porter la contradiction à voix haute, en sont les zélés gardiens. L'œuvre a quelque chose de séduisant et on m'assure qu'il faut avoir de la merde dans les yeux pour ne pas s'en rendre compte. Ses lettres de noblesses, en premier lieux, elles devaient avoir été écrites en trop petits caractères pour qu'il me soit seulement permis de les lire. Non pas que Gunnm était mauvais ; mais le manga se voulait très, mais alors très en deçà des attentes suggérées par ses thuriféraires. Et ceux-ci, toujours gorgés de passion, ont apparemment troqué la brosse à reluire pour la guillotine le temps d'une lecture de Last Order.
Pour cette fois, nous chanterons peut-être à l'unisson mais, je le crois, pour des raisons différentes.


Quand Gunnm m'aura frappé d'une relative indifférence en me présentant ses premières esquisses - réussies et détaillées, il n'y a pas à discuter sur ce point - celles de Last Order auront piqué mon intérêt et même ma sensibilité en la matière. Il y a davantage de noirceur et de brutalité disséminés dans des traits plus acerbes mais aussi plus précis et méthodiques que précédemment. Incontestablement, les dessins ont œuvré pour le mieux et même le meilleur ; l'incrémentation en terme de conception graphique est largement perceptible d'une l'œuvre à l'autre sans pour autant dénaturer la patte de son auteur. Auteur que j'aurais, jusque là, considéré comme surestimé d'abord à raison pour ce qui est de son écriture, mais enfin à tort pour son coup de crayon finalement magistral.
Sa réputation de dessinateur, rétroactivement, n'était pas usurpée. Il est, à mon sens, passé du deuxième tiers de ce qui se faisait de meilleur en dessin de Shônen pour rejoindre la première division.


Une raison de plus de m'attirer les foudres des apôtres de Yukito Kishiro comme le ferait un bon paratonnerre, c'est en proclamant, effrontément, mais avec sincérité, la sensation et même la certitude que, de Gunnm à Last Order, il n'y a aucune de cassure. L'un s'inscrit dans la juste continuité de l'autre qui, je l'ai dit dès le premier jour, n'était pas aussi miroitant que d'aucuns le prétendent.
Mais on voudrait revivre les amours d'alors alors que plus rien n'est pareil. Le charme, depuis longtemps, est rompu ; la virginité est à refaire. Peut-être certains auraient voulu renouer avec ce sentiment qui jadis était nouveau mais qui, fatalement, aujourd'hui, ne peut-être que daté. Une suite peut impliquer un renouveau mais pas un retour en arrière. On ne peut pas revenir sur ce qui a été fait.


Cette conclusion de dix-neuf volumes - qui appellera de nouvelles compositions ultérieures de ce que j'en ai compris - devrait être d'autant moins la cible des amoureux de la première heure que, d'après les informations qui me sont parvenues, Gunnm Last Order aurait dû être la fin originale de Gunnm. Celle que l'auteur a dû mettre en suspend suite à un différend éditorial. Ce qui est dépeint ici n'est pas, comme cela se fait trop souvent, une lamentable excuse pour brasser de l'oseille sur une œuvre autrefois appréciée de chacun (une pensée émue pour GTO et ses suites), mais la version pure et immaculée de ce que Kishiro souhaitait accoucher sur papier. La directo'rs cut, celle qui devrait ravir.
Admettre que Last Order est de mauvaise facture, considérant ce qu'est le manga par capillarité avec l'œuvre originale - soit, son parachèvement - revient à remettre sérieusement en question le génie supposé de son auteur ainsi que la sublimité de son manga-phare.


Que ceux qui se déçoivent de cette suite ne se bercent d'aucune illusion pour sauver leur esprit critique, il n'y a pas la moindre disjonction observable entre les deux compositions ; Last Order sera ce que Gunnm a toujours été mais, avec un regard plus prudent et lucide. Bon nombre de connaisseurs ont cru remarquer les fissures dans la faïence. À juste titre d'ailleurs, puisqu'elles y étaient. Seulement, elles y étaient au premier jour et chacun feignait alors de ne pas les voir.
Last Order, c'est le déniaisage des inconditionnels de Gunnm, un violent retour à la réalité quant à ce qu'est leur œuvre fétiche en réalité.


Alors oui, il y aura des vampires... une addition dispensable et moins bien encore assumée que dans Gantz, pourtant réputé pour ses inénarrables trésors de négligence en la matière. Un élément objectivement loupé dans ce que comporte Gunnm manga qui, en règle général, ne l'est pas moins. Toutefois, on ne peut prétendre qu'il se soit agi ici d'un ajout de dernière minute. Cela, le «génie» Kishiro - que je ne tiens cependant pas en mésestime - y aura pensé de longue date.


Exception faite du docteur Nova, les personnages secondaires se présentent le plus souvent comme dispensables et encombrants durant le premier tome puisque la polarité de Gunnm ne s'exerce vraisemblablement qu'autour de Gally. Cela s'arrangera largement par la suite, et bien mieux que du temps de Gunnm qui, sur ce plan, ne m'avait laissé qu'un arrière-goût bien âcre.


L'histoire ? Une intrigue dont on ignore la vocation ou même la raison d'être. Cela fait écho à l'opus précédent. La finalité de l'écriture de Gunnm m'échappe. Où va-t-on et à quoi bon ? Même les fictions les plus curieusement mal branlées scénaristiquement parlant savent au moins répondre à ces questions. Souvent bien mal, mais elles savent y répondre tout de même. L'improvisation me paraît ici constante et même entreprise sans la plus petite once d'entrain. La trame se poursuit comme un pont de corde qui se construirait planche après planche mais dont la destination s'avère voilée derrière un mur de brume qui n'en finit pas. À avancer dans l'histoire avec cette perspective comme seul horizon, le périple devient aussi long que l'éternité. Et je ne vous parle pas d'une éternité de plaisir.


Néanmoins... l'honnêteté m'oblige à dire que malgré tous mes a priori justifiés par Gunnm, sa suite avait joliment commencé. Quand les charmes de Gunnm avaient été usés en vain une fois confrontés à mon apathie naturelle, Gunnm Last Order me saisit avec une poigne plus ferme. Les dessins d'abord, jouent pour beaucoup à doter l'œuvre d'un voile de maturité qui, quoi qu'on en dise, faisait relativement défaut dans sa version précédente. Le tragique y est mieux travaillé ; il y a, derrière cette nouvelle scénographie, l'expérience d'un mangaka qui a vraiment gagné en talent d'une œuvre à l'autre. C'est grand dommage que les idées se soient à ce point perdues. Déjà que les précédentes n'avaient pas été du meilleur effet, alors maintenant que l'on quitte purement et simplement l'atmosphère, le risque évident de se perdre vers des conjectures douteuse y est élevé. Dans l'espace, personne ne vous entend crier dit-on. Cependant, je puis vous garantir que mes lamentations, même par-delà les galaxies, viendront vous esquinter les tympans jusqu'à vous en faire perdre le sens de l'équilibre.


On a beau s'encombrer d'un propos, même de plusieurs, tapissés à longueur de temps d'une trame à l'autre afin de suggérer une permanence du scénario.... je vois bien que ce n'est qu'un manga de bastons - chiadées certes - mariné dans une bouillie d'ergotage philosophico-scientifico-pompeuse. Faites l'exercice de lire deux fois un chapitre. Une fois en vous embarrassant des dialogues, une autre fois sans. La différence d'une expérience à l'autre y est finalement ténue. La chose en est si probante qu'elle m'a, à plusieurs reprises, rappelé l'exact même sentiment que j'avais eu à la lecture d'Eden - It's an endless world. Les thématiques sont sensiblement les mêmes et les gros sabots s'entendent de loin.


Et malgré tout ce que j'en ai dit, je me suis piqué d'intérêt pour ma lecture à diverses reprises. Jamais longtemps hélas, mais il y a des regains d'intensité dans ce que déballe l'intrigue, des hauts et des bas en fin de compte, ce qui m'amène à définir, au terme de ma lecture, un bilan plus mitigé que pour Gunnm dont ma conclusion concernant l'œuvre se voulait cette fois catégorique. Last Order peut se targuer d'autant de prétextes à être lu qu'à ne pas être lu.
Ce qui aurait pu être un petit monument de science fiction bien agréable à découvrir se sera finalement résumé à «Gally casse des trucs».


Espace ou pas, il convenait, pour une fois, de ne pas condamner avant de juger. Et en jugeant sur pièce, le départ était prometteur. On s'y laissait embarquer dans ce tumulte initial qui attendait par-delà la stratosphère. Mais passé le tome tome 3, on retrouve les travers qui m'ont rendu si sceptique quant à ce que recouvrait la seconde partie de Gunnm et l'ennui que cela avait suscité. Nova II hors de l'équation, l'édifice à commencé à s'affaisser pour mieux s'effondrer page après page jusqu'à ce qu'il n'en reste rien.
Dites «au revoir» aux récits scientifiques complexes et, ma foi, savoureux qui vous en mettaient plein la tête après vous en avoir mis plein la vue. Le côté Shônen, pourtant bien enfoui, bondit par sursauts fréquents jusqu'à ce que ceux-ci ne brisent le sceau qui avait fait le sérieux de l'œuvre. Ça va castagner contre des trucs vaguement robotiques dont, au final, on se fout de savoir de quoi ils sont faits puisqu'il n'en restera plus grand chose à l'issue d'un botage de cul en règle.


Les dessins y perdront même peu à peu de leur éclat, comme s'estompant et se dissolvant, nettoyés par l'aseptisation et le ridicule dans lequel se mêle des histoires de guerrier et de destruction de monde. À quoi bon, durant les premiers volumes, viser si loin si l'on s'obstine par la suite à manquer la cible. Gunnm Last Order aurait pu avoir les moyens de ses ambitions s'il les avait assumés au-delà du troisième volume. Kishiro n'est un bon coureur que sur les courtes distances il faut croire. On n'a pas idée de faire courir un marathon à un champion de cent mètres. Dix-neuf volumes, pour lui, c'était déjà le bout du monde, alors le laisser aller jusque dans l'espace dans ces conditions, c'était garantir l'échec sur papier avant même qu'il n'ait commencé à s'orchestrer. Parce que c'est long Last Order passé le troisième tome, long comme un supplice, long comme un pale sur lequel on vous embroche. Et là aussi, on en ressort avec un léger mal au cul. Figuratif celui-ci. Effectif cependant.


Last Order a failli relever le niveau, mais, au final, se sera opéré une sorte de mélange infâme entre BLAME! et Kinnikuman. Le genre nouvelle-cuisine, sans goût et sans matière. Y'a des mélanges des genres qu'on ne se permet pas en principe puisqu'un goût en compromet fatalement un autre. Que de la science-fiction sombre bifurque - une fois encore - sur une parodie d'histoire remplie de combats lassants et fouillis, c'est un sérieux gâchis. Nova et Aga Mbadi, ça aurait pu être l'alliance du siècle s'ils avaient gardé la prestance et l'aura de leurs premières apparitions. Ils ont, entre temps, opté vers un chemin qui faisait d'eux des méchants génériques et, eux aussi sans saveur.


Bien que je n'attendais rien de Last Order, la recette des débuts aura su me mettre l'eau à la bouche et ce, juste avant de me couper brutalement l'appétit.


Ô surprise, que verrons-nous s'agiter au loin ? Daisuke et les oubliés de la première heure reviennent faire ce qu'il faut de figuration pour la fin. C'est gentil de leur part. Mais ce n'est pas en faisant revenir les héros de Gunnm que vous ferez revenir l'esprit de Gunnm, celui qui a fait adhérer bon nombre de fanatiques - dont je ne suis pas - et justifié leur dépit devant tous ces renoncements multiples. Ils ont peut-être pardonné la médiocrité, mais pas le début prometteur incapable d'engendrer une suite fertile que chacun avait espéré à la hauteur du piédestal sur lequel les amateurs avaient érigé l'œuvre.


Une amorce enjôleuse et une poursuite du récit qui assoupit ; Gunnm aura récidivé. Nulle raison de blâmer un auteur qui, pourtant déjà, avait perpétré l'exact même crime sans se cacher de vouloir l'accomplir à nouveau avec en plus l'assentiment de son public. Les araignées tissent des toiles, les taupes creusent des galeries et Yukito Kishiro déçoit après avoir enchanté, c'est là encore ce qu'il fait de mieux et ce qu'il a toujours fait jusqu'à présent. Que ceux qui l'ont encensé jadis et le conspuent aujourd'hui reconnaissent n'avoir aucune excuse pour ne pas avoir pris conscience plus tôt que leur idole était ce qu'elle avait toujours été et ne s'était finalement jamais reniée.
Last Order aura été conçue comme la seule fin véritable de Gunnm et se sera dessinée comme sa juste et logique continuité. Certains l'ont déploré car n'auront découvert, que bien tard, qu'une trajectoire décroissante n'allait que vers le bas. À mesure que le fond - que l'auteur aura touché par moments - se rapprochait d'eux, ils comprirent - trop tard encore une fois - où les menait leur lecture. Pourtant, ses prémices n'avaient jamais suggéré un autre itinéraire que celui emprunté par Kishiro depuis ses débuts.

Josselin-B
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le 27 févr. 2021

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Josselin Bigaut

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