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Grand Prix de la ville d'Angoulême cette année, Art Spiegelman est surtout connu pour son Maus, récompensé en 1992 par le seul premier prix Pulitzer jamais accordé à une bande dessinée. Si je me permets ce préambule un brin dithyrambique, c'est que je suis encore tout ébranlé par ma lecture... ce qui ne m'arrive pas souvent.

Les récits biographiques concernant la persécution des Juifs dans les années 30 et 40, on en a tous vus ou lus. Le poids historique et le potentiel émotionnel de cette période s'y prêtent bien. Mais Maus sort du lot. Le projet en lui-même est extraordinaire : entre le début des "interviews" et la sortie du dernier chapitre, il s'est écoulé 12 ou 13 ans (1978-1991). Une maturation très longue pour une bande dessinée en noir et blanc d'environ 250 pages.

Spiegelman n'hésite d'ailleurs pas à évoquer ses difficultés d'écriture au sein même de sa BD qui mélange en fait trois "dimensions" : les années 30-40 (récit du père, personnages sous forme d'animaux), la fin des années 70 (les visites de l'auteur chez son père, animaux là encore) et les années 80 (Spiegelman peine à avancer son oeuvre, personnages humains portant des masques d'animaux). Le jonglage entre ces époques permet de bien saisir la démarche de l'auteur et la nature de sa relation complexe avec son père.

J'ai été à la captivé et profondément ému par l'histoire personnelle du père, emboîtée dans celle de son fils à qui il raconte ses souvenirs. Malgré la simplicité du dessin et les visages d'animaux, Spiegelman livre une description bouleversante de l'horreur des ghettos et des camps. Souvent pudique graphiquement, le récit dégage pourtant une incroyable brutalité, où l'on découvre les instincts les plus vils de l'humanité avec d'un côté les nazis et, de l'autre, ceux qui trahissent leurs semblables pour survivre.

Maus est aussi (et surtout ?) un témoignage historique d'une richesse inouïe... J'en suis sorti à la fois instruit et secoué. Il va me falloir un certain temps pour m'en remettre, mais je crois que je m'en rappellerai encore dans 20 ans.
VaultBoy
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le 10 avr. 2011

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Arthur Bayon

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