Pinocchio
8.1
Pinocchio

Roman graphique de Vincent Paronnaud (Winshluss) (2008)

À sa sortie, j'avais été intrigué par sa couverture, et j'avais lu le prologue, qui m'avait laissé une forte impression, par le style de dessin qui me parlait beaucoup, et surtout parce que je me demandais bien quel pouvait être le rapport avec l'histoire du célèbre pantin.

Il se trouve que j'ai attendu quelques années avant de le lire dans son intégralité. Pour situer, j'ai vu 50 fois (j'exagère à peine...) le dessin animé, qui reste un de mes Disney préférés, et j'avais du coup lu le bouquin il y a très longtemps, mais je me souviens bien mieux du dessin animé.

Finalement, je n'ai pas du tout été déçu par ce Pinocchio version moderne. Winshluss s'amuse à mélanger les influences : le roman d'origine, Walt Disney (les BD des années 30, le costume de Blanche Neige), le cinéma de diverses époques, les contes de fées, l'actualité, etc... Même si on pourra lui trouver un aspect un peu foutoir et surenchériste, comme je l'ai lu sur d'autres critiques, j'ai trouvé l'ensemble remarquablement pertinent et cohérent.
Le personnage de Pinocchio n'exprime presque jamais ses sentiments (pour peu qu'il en ait), et prend finalement très peu de décisions ; il subit l'histoire plus qu'il ne la provoque. En ce sens, il est une sorte de dénominateur commun, de révélateur de toute la folie et la cruauté du monde qui l'entoure. Il cristallise tout ce qu'il y a de pire chez tous les personnages qu'il a le malheur de rencontrer. Pas mal de segments se font sans le personnage principal d'ailleurs, avec beaucoup de persos secondaires qui ont droit à leur page de de gloire, qui se croisent, parfois sans même le savoir, pour que finalement tout se recoupe à la fin.
C'est là une autre force de cette BD : le rythme et le découpage sont parfaits. Je ne suis pas du tout familier du travail de Winshluss, mais il a clairement un sens inné du storytelling, et il sait exploiter à merveille le médium qu'il utilise. Une structure similaire dans un film, par exemple, serait pour moi impensable, mais elle fonctionne ici de manière parfaitement fluide et logique. Winshluss arrive aussi à faire passer un nombre assez incroyable d'émotions et de sentiments (du rire aux larmes, en passant par la nausée), sans utiliser de dialogue. À tel point d'ailleurs qu'on se demande à quoi il peuvent bien servir dans les autres BD !

Visuellement, c'est une claque dans tous les sens du terme. Les codes classiques des vieux cartoons américains sont maitrisés pour être mieux pervertis. Le style de dessin change beaucoup au cours de l'histoire, mais jamais de manière fortuite. Il s'agit toujours de s'adapter au personnage concerné, à l'ambiance, à l'époque (flashback ou non), au thème... La lumière, les contrastes, les couleurs, les angles de vue, la mise en page, le cadrage : tout est parfaitement maitrisé par Winshluss, qui met tous ces outils au service de son histoire, sans pour autant tomber dans la simple exhibition de ses talents. Malgré le côté un peu (voire très) gore de certaines cases, l'album dégage beaucoup de poésie et de charme.

À éviter de faire lire à des enfants qui auraient aimé le dessin animé par contre...
YellowStone
9
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le 7 janv. 2013

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YellowStone

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