12 Years a Slave par Kamgeonpi
« Encore un film sur l’esclavage ! » Voilà ce qu’on peut se dire avant d’aller voir le nouveau film de Steve McQueen. On croit connaître par avance la couleur du long-métrage sans en avoir vu les nuances, et elles sont de taille. McQueen nous livre ici un tableau des plus saisissants, le portrait d’un homme d’exception et pourtant méconnu. 12 years a Slave est un film (littéralement) poignant. Le réalisateur britannique ne se contente pas d’amasser des clichés sans substance, de raconter une histoire encore et encore entendue. Certes, l’impression de déjà-vu n’est pas totalement absente du film. McQueen ne prétend pas réécrire l’Histoire ; il s’approprie une histoire. C’est avec une puissance émotive et poétique rare qu’il montre l’horreur d’un système où même les victimes ont intériorisé leur soumission.
Chaque plan constitue un tableau vivant. À la manière de Terrence Malick, McQueen parvient à capter l’essence de toute chose à travers des scènes picturales parfois avares en mots. Un long plan-séquence, insoutenable, résume à lui seul la puissance du film (allez le voir pour le croire). Chaque son, chaque bruit constitue une musique à part entière, laquelle est signée par le maestro Hans Zimmer. La scène où retentit le chant de gospel « Roll Jordan Roll » est bouleversante. Elle nous rappelle que la musique et le chant ont nourri l’espoir de ces hommes réduits à des marchandises.
Outre la mise en scène, c’est le jeu des acteurs, premiers et seconds rôles confondus, qu’il convient de souligner. Après Hunger et Shame, McQueen retrouve Michael Fassbender, magistral, comme toujours. Il offre aussi à Chiwetel Ejiofor l’occasion de déployer son talent, encore méconnu, mais on ne doute pas que vous retiendrez vite son nom. C’est sur lui que repose ce récit autobiographique qui ne met cependant pas en lumière la totalité de douze années. Qu’importe. Pendant 2h13 c’est avec lui qu’on vit, respire, pleure. On ressort de là brutalement secoué, sans voix ; au moment même où Solomon va retrouver la sienne. Oscarisable à souhait.