Voir un film de guerre avec des paillettes dans les yeux, cela semble une gageure. Surtout si l’action se situe dans l’ineffable crasse des tranchées de la première guerre mondiale ! Sans oublier que ce ne sont pas les particules de terres soulevées par les moultes explosions qui manquent de nous piquer les yeux… Mais alors pourquoi un tel émerveillement oculaire ? Simplement parce que l’atout majeur de « 1917 » est la façon dont il a été filmé, ce qui va de paire avec la manière dont il a été chorégraphié et mis en scène.
Le film est un -faux- plan séquence de plusieurs longues prises qui ont été assemblées avec une recherche de transitions qui donnent l’illusion d’une unique prise. Le déroulement du film est donc sans ellipses, comme un seul bloc temporel. Jamais en regardant un film je ne me suis autant demandé : comment diable l’équipe technique avait fait pour faire passer la caméra avec une fluidité parfaite alors que tous les terrains sont accidentés, bardés de barbelés, de marres profondes, de ruines ou autres horreurs de guerre ?!!!…
Roger Deakins (le génie derrière les superbes images de Blade Runner 2049 ou encore Sicario) est un esthète qui ose tenter des choses saugrenues et ça vaut son pesant de sacs de sable ! Les scènes, presque toutes intenses, sont filmées à la façon d’un jeu vidéo à la troisième personne, qui tourne autour des deux protagonistes principaux sans jamais les perdre de vue. Je n’ose imaginer le nombre de prises et de répétitions pour parvenir à ces enchainements de séquences parfaits dans un cadre très agité et souvent chaotique.
Cet atout majeur du film est aussi son point faible, si toute l’attention a été donnée à l’aspect visuel (sans oublier les fabuleux costumes à la patine sublime), le scénario tient sur une carte postale avec peu de place pour écrire ! Les contraintes visuelles semblent avoir été dictées par des actions parfois invraisemblables et/ou un peu trop articulées pour être crédibles.
Mais ne boudons pas notre plaisir, si tous les aspects de la guerre des tranchées manquent un peu de profondeur (un comble me direz-vous), le choix d’un duo d’acteurs peu connus, bien british, font que l’on peut immédiatement les associer à la chair à canon anonyme de l’époque. On les suit volontiers dans l’absurdité d’un combat d’une rudesse jamais égalée dans les guerres dites modernes. Un film taillé à la baïonnette, qui fait mouche, si l’on délaisse pas mal de cartouches de côtés, pour simplement savourer son aspect graphique saisissant et ahurissant ! Un spectacle unique qui vaut la peine de chausser ses bottes et de marcher en terrain boueux.