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le 18 juin 2025
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Le premier film de la saga montrait les ruines d’un monde à l’agonie depuis 28 jours. On y suivait un petit groupe de rescapés cherchant désespérément un espoir auquel se raccrocher, alors que tous les piliers de la société (Église, Gouvernement et Armée) s’étaient écroulés. D’ailleurs, c’est en pensant trouver refuge dans une base militaire que nos héros se retrouvaient aux prises avec les véritables antagonistes du récit ; une bande de barbouzes réduisant en esclaves sexuelles toutes les femelles ayant eu le malheur de croiser leur chemin. Et si l’histoire se concluait sur une note d’espoir, on pouvait tout de même se demander quelle civilisation émergerait de ce monde sans repères moraux ni perspective d’advenir.
L’ouverture de ce nouveau film synthétise, non sans humour, les questions du premier opus, avant de nous donner un aperçu de ce monde, 28 ans après sa destruction. Sans surprise, les survivants se sont reconstruits autour de leur lutte acharnée contre les infectés. Désormais à l’écart, sur une île anglaise surveillée 24h sur 24h, les créatures ne représentent plus une menace immédiate pour eux. Le voyage vers le continent infecté est même devenu un rite de passage pour tous les préados de la communauté. C’est le périple qu’entreprends Jamie avec son fils Spike : l’emmener en territoire ennemi pour lui apprendre à chasser du zombie.
Ce voyage initiatique fait donc office d’introduction à un monde viriliste ayant érigé la guerre, la force physique et le chacun pour soit comme piliers de sa nouvelle civilisation. Une philosophie dont Jamie en est le parfait représentant. Mais si Spike semble respecter l’autorité de son paternel, il s’en émancipera bien vite lorsque ce dernier se révélera incapable de soigner la maladie de son épouse. Ne pouvant se résoudre à voir sa mère disparaître, le jeune garçon décide de l’emmener sur le continent pour lui faire rencontrer un hypothétique docteur vivant parmi les infectés.
De là découle un second voyage initiatique, au cours du quel Spike apprendra à regarder autrement le monde qui l’entoure, avec respect et considération pour tous les individus qui le composent, y compris les infectés qui, comme cela était déjà sous-entendu dans le premier opus, restent des êtres vivants capables de penser, de s’organiser en collectif et même de se reproduire. Une autre philosophie de vie qu’on espère ensuite voir rentrer en conflit avec la vision de sa communauté, ou celle des tribus alentours malicieusement teasées en fin de film.
Alex Garland imagine une civilisation post-apocalyptique grotesque, soulignant l’importance des mythes dans la construction d’une société humaine, tout en questionnant les valeurs qui régissent également les nôtre, et en particulier celles de la société américaine, elle-même bien belliciste et réactionnaire, surtout depuis le retour de Trump à la maison blanche. Un changement de ton qui a pas mal décontenancer les spectateurs les moins ouverts d’esprit, alors qu’il va de paire avec l’évolution de la saga, passant ici du film de zombies au genre post-apocalyptique. A l’instar de Mad Max, le film assume ses excentricités et son caractère grotesque lui confère même une forte singularité par rapport à tous les autres blockbusters aseptisés de son époque. Il n’y qu’à voir le personnage du docteur, magistralement campé par Ralph Fiennes, inspirant autant l’hilarité et la bienveillance que l’inquiétude ou le malaise ; De même que cette tribu que nous apercevons en fin de film, ayant visiblement grandit sous l’égide des Teletubbies. Toute l’ambiance si particulière de ce troisième film est ici résumée.
En outre, 28 Ans Plus Tard reste dans la continuité du premier volet. A la fois thématiquement donc, mais aussi sur le plan esthétique, avec à nouveau une image bien crade tournée cette fois à l’Iphone, des effets spéciaux faits mains, ainsi qu’une mise en scène sensitive, sachant toujours retranscrire visuellement l’horreur chaotique provoquée par les attaques de zombies, ce par une gestion du rythme, un découpage faussement anarchique et une bande son ultra bourrine mais diablement efficace. On est sur une démarche similaire au premier opus, mais la technique et le savoir faire de Boyle ont tellement évolué dans l’intervalle, qu’on a jamais l’impression de revoir le même film.
On sent également une différence de traitement entre les deux récits initiatiques.
Le premier voyage est très nerveux, avec un rythme plus soutenu et une bande-son quasi omniprésente. La mise en scène épouse le point du vue du père sur son environnement, en le représentant comme un lieu hostile, où l’on doit rester sur ses gardes et tirer sur tout ce qui bouge. Toutefois, les paroles du paternel se retrouvent fréquemment interrompues par des images de chevaliers et de soldats, défilant au rythme du poème Boots, célèbre aux États-Unis pour son utilisation dans les écoles militaires. Par ce biais, le réalisateur établit un lien direct entre enseignement du père et endoctrinement militaire, nous incitant instinctivement à prendre du recul sur les leçons apprises au cours de cette première épopée.
A l’inverse, le second voyage si il n’est pas non plus de tout repos, arbore un rythme de croisière nettement moins soutenu ; offrant même quelques moments d’accalmie au cours desquels les personnages peuvent approfondir leurs relations et mieux apprivoiser l’univers qui s’offrent à eux. Soit à nouveau, une mise en scène en phase avec le regard que porte peu à peu Spike sur son environnement.
Je reprocherais juste à cette partie d’être un poil trop courte par rapport à son envergure. Je sais, ce n’est pas un reproche qu’on fait souvent aux divertissement grand public de nos jours, mais le film ne fait qu’1h40 et aurait presque mérité une demi-heure supplémentaire, ne serait ce que pour offrir plus de rencontres et de péripéties aux protagonistes, afin de compléter une évolution trop précipité à mon goût.
Mais cela n’entache en rien la force de ce long-métrage post-apocalyptique singulier, prenant et extrêmement aboutit qui apparaît comme une bouffée d’air frais dans un cinéma hollywoodien en état de mort cérébral depuis le début de l’année. Et en prime, non seulement le final offre une vraie conclusion à l’aventure qui nous a été raconté, mais en plus il n’augure que du bon pour la suite. Il me tarde donc de voir ce que Boyle et Garland nous ont réservé pour les années à venir.
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Créée
le 30 juin 2025
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