28 ans plus tard
6.3
28 ans plus tard

Film de Danny Boyle (2025)

« Father let me dream, there's a million nightmares »

18 ans que la doublette de rêve Garland Boyle nous a sorti leur Sunshine et ont décidé, froissés, de ne plus collaborer sur un potentiel 28 Mois plus tard qui deviendra l'arlésienne d'une génération. L'un poursuivra sa carrière de cinéaste, l'autre passera à la réalisation sur des projets qui pour certains m'ont bien botté (Ex machina, Annihilation) et d'autres m'ont semblé plus compliqués jusqu'à son politiquement mal assumé Civil War. J'étais curieux de voir sur quoi allaient aboutir toutes ces années sans avoir répété leurs gammes ensemble d'autant que le film démarre par un postulat complètement absurde à savoir quelqu’un qui voudrait tromper Jodie Comer.

Pour commencer 28 Ans foisonne d'expérimentations formelles dans tous les domaines (cadrage, montage, SFX) qui pourraient aboutir à une forme d'écoeurement et par ruissellement d’ennui mais qui fonctionnent sur moi comme une dose de crack (j'ai failli me lever de mon siège les bras en l'air lors du premier headshot mélangeant freeze frame et bullet time). Le film fourmille d'images dont je sais qu'elles resteront marquées dans ma mémoire un long moment et ouvre des possibilités esthétiques folles avec en guise de pinacle une séquence dans un champ de colza où l’ont retrouve un travail sur les objectifs et la texture de l’image qui m’a complètement emporté.

Il y a du cœur dans tous ses films (certains diront beaucoup trop dans ce final qui aborde la question du deuil avec une radicalité qui ferait passer Quelques minutes après minuit pour un exemple de retenue), dans l'époque actuelle je suis incapable de le lui reprocher, d'autant que le passage par un carcan formel fort me parait moins méprisable que des prises d'otage émotionnelles façon Interstellar où l'on se doit de pleurer parce que l'acteur en fait de même face caméra. Ici c'est le grandiose (grotesque ? Peut être, mais ça me convient) de la mise en scène qui est mobilisé pour servir de courroie sensorielle. Ça peut passer à côté mais ça restera toujours plus osé et honorable à mon goût.

On nous offre également une vision solidaire des communautés humaines en temps de crise profonde et même un dépassement total de l'altérité zombie-esque avec un geste d'une humanité inconditionnelle envers un infecté dans une scène qui sera amenée à être probablement détestée voir moquée (encore une fois le sublime qui vient tutoyer le grotesque) mais que je trouve extrêmement forte et qui n'est pas sans rappeler le Day of the Dead de Romero. Un traitement clairement à la marge de ce qui se fait d'ordinaire (je pense surtout à Walking Dead) où le zombie est souvent un prétexte à déballer un sous-texte misanthrope sur la condition humaine qui serait par nature faite de conflits émulés par la concurrence et la loi du plus fort (sans préciser que cette vision, dans un monde capitaliste qui tend de plus en plus vers l'individualisme, ne sort pas non plus de nulle part).

Quelques soucis à relever malgré tout comme la petite saillie misogyne de la scène qu’on appellera "du téléphone" dont on se serait bien passé et qui vient plus trahir l’âge de ceux qui l’ont écrite qu’apporter une réflexion profonde sur les déviances modernes quand bien même elle se termine sur une note d’humour qui vient alléger l’ensemble. Et que dire de cette séquence aérienne finale à la Yamakasi qu’on qualifiera … d’audacieuse.

J’en arrive pourtant à l’évidence que Boyle fait bien parti de ces expérimentateurs de la trempe d'un Mann pour la plage d'emploi absurde qu'il fait du numérique (en l'occurrence l'IPhone pour 28 Ans) ou d'un Tsui Hark pour la vision décomplexée et sans-gêne qu'il a de tous ses outils à disposition. Tout ne passe pas forcément, certains effets font tâches mais l'ensemble est tellement généreux que ça me rend heureux de voir quelqu'un s'amuser autant et m'amène à la certitude que c'est aussi à ça que devrait servir le cinéma. A l'inverse ne pas voir à l'horizon de successeur potentiel ayant ce même genre d'empreinte radicale et de savoir faire débridé m’attriste profondément.

Bouillabaise
10
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films de 2025 et Les meilleurs films des années 2020

Créée

le 21 juin 2025

Modifiée

le 21 juin 2025

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Bouillabaise

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