28 Weeks Later, Juan Carlos Fresnadillo, Royaume-Uni, 2007, 96 min

Donner suite à l’exceptionnel « 28 Days Later » n’a pas dû être une mince affaire, mais surtout, était-ce une bonne idée ? Ayant un peu fait le tour de la question de son propos, il restait relativement peu à raconter, bien qu’il est toujours possible de décliner les récits dans ce genre de contexte. Cependant, Danny Boyle joignait a son œuvre une forme particulière et radicale, grâce à une révolution technique, pour mieux appuyer son discours, rendant son objet unique. Toujours est-il que, cinq ans plus tard arrivait sur les écrans « 28 Weeks Later », mis en scène par le cinéaste espagnol Juan Carlos Fresnadillo, alors auteur d’un seul film, l’étrange, mais fascinant « Intacto », en 2001.


Prenant d’entrée le contrepied de son prédécesseur, le métrage commence en surtension par l’attaque spectaculaire d’un charmant cottage perdu dans la campagne anglaise, où vivotent quelques survivants. L’univers déjà familier permet au récit de plonger directement dans le vif du sujet, proposant ainsi plus une complémentarité qui essaye de ne pas tomber dans le piège de la redite, ou pire, dans l’imitation. Rapidement, le film se démarque en laissant de côté l’aspect réaliste de son prédécesseur, en adoptant une orientation plus classique, qui peine à lui donner une identité visuelle propre.


Comme son titre l’indique, l’histoire prend place 28 semaines après l’irruption du virus, alors que la majorité des infectés, n’ayant plus tellement de victimes à se mettre sous la dent, meurent lentement de faim. En parallèle, les survivants tentent de reconstruire comme ils le peuvent un semblant de société, parqués dans un quartier hyper sécurisé à Londres. La population est logée sous autorité américaine, permettant ici d’aborder l’ingérence probable de l’Oncle Sam en cas d’une telle crise, du fait des traités avec l’OTAN. Alors que tout se passe pour le mieux, un élément perturbateur vient bien entendu perturber l’îlot urbain, et c’est reparti pour un tour.


Le havre de paix sécurisé devient dès lors une prison, avant de devenir un véritable cimetière à ciel ouvert. Néanmoins, il y a une évolution par rapport à la propagation initiale, cette fois, le pouvoir militaire est prêt à intervenir. Et leur solution ne s’annonce pas dans la dentelle, puisqu’elle consiste à nettoyer la ville au Napalm, America Fuck Yeah ! (On ne se refait pas). Ne prenant aucun risque, l’institution militaire représentée par le prisme de l’état-major américain en présence agit en toute martialité, sans sentiments ni humanité. Cela renvoie un tout petit peu à l’une des thématiques du premier film, mais ça reste cependant relativement timide.


Si « 28 Weeks Later » essaye de proposer un montage vif très cuté, pour engendrer une perception d’urgence, il ne retrouve jamais le niveau de tension incroyable du premier film, malgré le score toujours impeccable de John Murphy. Après, le métrage trouve ses propres thématiques, qui ne se prêtent pas spécialement à la même forme. En effet, c’est au travers d’une cellule familiale déchirée qui Fresnadillo évoque la tragédie en cours. Il part de l’état du monde au lendemain de la pandémie, puis zoom petit à petit sur des personnages perdus dans des décors urbains délabrés, qui viennent appuyer un peu plus la dimension eschatologique de l’œuvre.


Ce semblant de civilisation qui fourmille au milieu des tours de verre et de béton traduit la modernité comme le piège ultime d’une humanité n’étant absolument plus en contrôle de quoi que ce soit. Dans ce monde à la merci des infectés, les lâches payent leurs actions égoïstes par une mort qui n’est pas forcément rédemptrice. En opposition, ceux qui font preuve d’abnégation, les vertueux prêts à donner leurs vies pour en sauver d’autres, rendent espoir en une humanité qui se fait de plus en plus rare. Le récit brasse ainsi des thématiques comme la lâcheté, la couardise, le courage et le sacrifice, d’une façon parfois un peu naïve et surfaite, mais qui ne manque pas d’une certaine efficacité.


Pour exemple, les soldats en charge de sécuriser le secteur sont vêtus d’uniformes hermétiques, les visages dissimulés derrière des masques à gaz. Ils tirent à distance, bombardent depuis des avions et nettoient les rues au lance-flamme. Ils apparaissent ainsi comme une menace déshumanisée, face à des infectés qui ont toujours peur eux leurs visages humains. Peinant à se défaire d’une forme de manichéisme, « 28 Weeks Later » cherche à implanter la nature humaine au centre de son récit et faire évoluer ce dernier autour.


Présenté par le biais d’un pessimisme à faire pâlir, l’avenir de l’humanité semble ici devoir se confronter à ce qu’elle peut avoir de pire, ayant complètement perdu la perspective de survie de l’espèce. Et c’est au milieu de cette horreur que sont balancés des protagonistes plutôt attachants, bien qu’un peu trop clichés ; comme le militaire rebelle, la scientifique qui a raison, la sœur et le frère ultime espoir de l’humanité et un pilote au grand cœur. Toutefois, le film fait preuve d’un fort sens de l’horreur graphique, avec certains passages qui s’avèrent particulièrement gores, même si trop souvent brouillons.


Il semble y avoir dans la mise en scène de Fresnadillo la recherche du plan iconique, celui qui va rester, et va marquer les esprits. Le film est ainsi gorgé de nombreuses séquences visuellement impressionnantes, voire cruellement magnifiques, mais qui font un petit peu perdre l’intérêt pour le propos principal : la pandémie. Le récit, en forme de grande course poursuite, se révèle vite un brin classique, égarant au passage l’aspect initiatique de son ainé. Alors oui, ce que cette suite abandonne en dramatisation, elle le gagne en spectaculaire, mais rapidement les quelques passages poignants sont rushés pour faire place à l’action. Ce parti pris qui semble totalement assumé, positionne ainsi « 28 Weeks Later » dans une autre catégorie, plus conventionnelle.


Il est dès lors légitime de regretter la pertinence amoindrie par rapport au film de 2002, avec une réflexion atténuée sur la noirceur de notre espèce. Il réserve néanmoins son lot de séquences à faire frémir, de par leur plausibilité, comme la gestion d’une pandémie (« Coronavirus, connard de virus » air connu ?), par des autorités à la masse. Il manque vraiment peu de choses pour basculer dans la terreur semblable à une telle œuvre d’anticipation. La preuve en est, lorsque l’on voit qui sont aujourd’hui, en 2025, les guignols à la tête des grandes puissances.


« 28 Weeks Later » demeure une œuvre forte et brutale, plus aseptisée que la radicalité formelle de « 28 Days Later », mais elle parvient à véhiculer l’Horreur à la fois visuelle et psychologique proposée par ce diptyque. Au cinéma, les derniers jours de l’humanité sont loin d’être de tout repos et, en cela, le métrage donne des frissons. Son caractère anticipatif plus vrai que nature pose effectivement le doigt sur des inquiétudes qui engagent à réflexions. Mais heureusement, ce n’est que du cinéma.

N’est-ce pas ?


-Stork._

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le 26 mars 2020

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