28 Weeks Later (Juan Carlos Fresnadillo, Royaume-Uni, 2007, 1h36)

Donner suite à l’exceptionnel ‘’28 Days Later’’ n’a pas dû être une mince affaire. Ayant un peu fait le tour de la question de son propos, il restait assez peu à raconter en plus. Pourtant, cinq ans après arrive sur les écrans ‘’28 Weeks Later’’, mis en scène par le cinéaste espagnol Juan Carlos Fresnadillo, alors auteur d’un seul film, l’étrange mais fascinant ‘’Intacto’’, en 2001.


Prenant d’entrée le contrepied de son prédécesseur, le métrage commence en surtension par l’attaque spectaculaire d’un charmant cottage perdu dans la campagne anglaise, où vivotent quelques survivants. L’univers déjà en place permet au récit de plonger directement dans le vif du sujet, et vient former un dytique cohérent et complémentaire, qui ne tombe absolument pas dans le piège de la redite, ou pire, de l’imitation. Avec son identité propre, cette suite est une bonne prétendante à la liste privilégiée des meilleures séquelles jamais réalisées.


Aventure urbaine, là où le décor de ‘’28 Days Later’’ se situait majoritairement dans la pampa britannique, elle démarre 28 semaines après l’irruption du virus de la rage, qui avait décimé à vitesse grand V la populace du Royaume-Uni. Les infectés, affectés par la faim, n’ayant plus tellement de victimes à se mettre sous la dent, meurent lentement de faim, pendant que les survivants tentent de reconstruire comme ils le peuvent un semblant de société.


Parquée dans un quartier hyper sécurisé de Londres, la population est placée sous autorité américaine. Une ingérence justifiée par la prise en charge de la crise par l’OTAN. Alors que tout se passe pour le mieux, un élément perturbateur vient bien entendu mettre en péril l’îlot urbain, avec le retour du virus entre ses murs.


Il est réintroduit par une survivante infectée, bien qu’elle n’en ait aucuns des symptômes. Car oui, en cas de pandémie il y a des personnes, les fameux ‘’porteurs sains’’. Ignorants d’être contaminées, ils peuvent au détour d’une quinte de toux, d’une discussion rapprochée, ou encore d’un baiser, comme il est le cas ici, transmettre le virus.


Retour à la case départ donc, car en quelques minutes la rage se propage à un rythme effréné, facilité par la présence au même endroit de toute la population, sans échappatoire puisque le lieu est clos. Leur foyer sécurisé devient dès lors une prison, avant d’en être leur tombeau. Néanmoins il y a une évolution par rapport à la propagation initiale, cette fois les autorités sont prêtes à intervenir. Et leur solution ne fait pas dans la dentelle, puisqu’elle consiste à passer la ville au Napalm.


Ne prenant aucun risque, quitte à sacrifier même les non-infectés, l’institution militaire, représentée par le prisme de l’état-major américain en présence, agît en toute martialité, sans sentiments ni humanité. Il faut endiguer la pandémie, impliquant si nécessaire des victimes collatérales. ‘’28 Weeks Later’’ impose son propre rythme, qui se traduit par montage vif très cuté, engendrant un sentiment d’urgence, enclin à l’exploitation de nouvelles problématiques qui évite la redite. Brassant des thèmes comme la lâcheté, la couardise, le courage et le sacrifice, c’est au travers d’une cellule familiale déchirée que Fresnadillo évoque la tragédie en cours.


En partant de l’état du monde au lendemain de la pandémie, il zoom petit à petit sur des personnages perdus dans des décors urbains délabrés, qui viennent appuyer un peu plus la dimension eschatologique de l’œuvre. Ce semblant de civilisation qui fourmille au milieu des tours de verre et de béton. Traduction d’une modernité comme piège ultime d’une humanité n’étant absolument plus en contrôle de quoi que ce soit.


Dans ce monde à la merci des infectés, les lâches payent leurs actions égoïstes par une mort qui n’est pas forcément rédemptrice. En opposition, ceux qui font preuve d’abnégation, les vertueux prêts à donner leurs vies pour en sauver d’autres, rendent espoir en une humanité qui se fait de plus en plus rare.


Pour exemple, les soldats en chargent de sécuriser le secteur ne cherchent pas à faire la différence entre infectés et ceux qui essayent de survivre dans cet enfer. Vêtus d’uniformes hermétiques, les visages dissimulées derrière des masques à gaz, ils nettoient les rues au lance flamme. Ils apparaissent ainsi comme une menace déshumanisée, face à des infectés, qui ont toujours peur eux leur visage humain.


Ignorant absolument toute notion de manichéisme, ‘’28 Weeks Later’’ implante la nature humaine au cœur même de son récit. Présentant avec un pessimisme à faire pâlir, ce qu’elle peut avoir de pire, ayant complétement perdu les perspectives même de la survie de l’espèce. Et c’est au milieu de cette horreur que sont balancés sans vergogne les protagonistes.


Avec un fort sens de l’horreur graphique, certaines séquences s’avèrent particulièrement gores. À l’instar du passage avec l’hélicoptère, qui explose en véritable boucherie. Avec un petit côté jouissif, aérant de fait la tonalité sérieuse de l’ensemble, le film se permettant même quelques audaces à la limite du cartoon.


Il semble y avoir dans la mise en scène de Fresnadillo la recherche du plan iconique, celui qui va rester, et qui marque les esprits. Le film est ainsi gorgé de nombreuses scènes visuellement impressionnantes, voir cruellement magnifiques, mais qui font un petit peu perdre l’intérêt pour le propos principal : la pandémie.


Le récit, en forme de grande course poursuite, s’avère un petit peu classique, perdant au passage l’aspect initiatique de son ainé, dans lequel le héros subissait des épreuves, lui permettant de se révéler à la fin, par l’expression d’une envie de vivre dépassant l’entendement. Ce que cette suite perd en dramatisation, elle le gagne cependant par son aspect spectaculaire. Si la première demi-heure axée sur le renouveau d’une vie civile, réserve quelques passages poignants, rapidement c’est l’action qui prime. Un parti pris assumé, que la mise en scène caméra à l’épaule, assistée d’un montage épileptique en flux tendu, permet d’enchaîner de scènes de bravoures, en scène de bravoures.


S’il est légitime de regretter une pertinence amoindrie par rapport au film de 2002, il y a malgré tout une certaine réflexion persistante sur la noirceur d’une humanité, qui se révèle face au péril. Ce qui réserve un lot de séquences à faire frémir, de par leur plausibilité. Il suffit pour cela de regarder la gestion d’une pandémie, comme celle du Coronavirus (on est dans l’actu où on ne l’est pas), par des autorités à la masse, pour se persuader qu’il ne manque pas grand-chose pour basculer dans l’horreur semblable à une œuvre d’anticipation comme ‘’28 Weeks Later’’.


Œuvre forte, brutale, véhiculant une horreur autant visuelle que psychologique, au cinéma les derniers jours de l’humanité sont loin d’être de tout repos. En cela le métrage donne des frissons, de par une nature anticipative plus vraie que nature, qui pose le doigt sur des inquiétudes qui engagent à réflexions. Mais heureusement, ce n’est que du cinéma.


N’est-ce pas ?


-Stork._

Peeping_Stork
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste CoronaChroniques

Créée

le 26 mars 2020

Critique lue 252 fois

2 j'aime

1 commentaire

Peeping Stork

Écrit par

Critique lue 252 fois

2
1

D'autres avis sur 28 semaines plus tard

28 semaines plus tard
Tallowisp
2

Un film de zombies fait par des zombies et pour les zombies !

Merci à Archenassa pour le titre. Si ce film est la suite de 28 jours plus tard (une vraie claque pour ma part) c'est leur seul point commun. L'un est un film avec une tension qui monte...

le 10 juin 2012

27 j'aime

13

28 semaines plus tard
archibal
6

London Killing

Une suite qui sort l'artillerie lourde en comparaison du premier volet assez intimiste. La démarche est en effet plus tape à l'oeil ici, outre les grosses explosions et autres ingrédients des...

le 8 févr. 2018

21 j'aime

2

28 semaines plus tard
Buddy_Noone
9

The kiss of hate

Londres, six mois après l'épidémie de fureur qui a transformé l'essentiel de la population anglaise en zombies véloces et enragés. Les quelques centaines d'Anglais ayant échappés à l'épidémie ont...

le 21 nov. 2015

19 j'aime

4

Du même critique

The Way Back
Peeping_Stork
10

The Way Back (Gavin O’Connor, U.S.A, 2020, 1h48)

Cela fait bien longtemps que je ne cache plus ma sympathie pour Ben Affleck, un comédien trop souvent sous-estimé, qui il est vrai a parfois fait des choix de carrière douteux, capitalisant avec...

le 27 mars 2020

16 j'aime

6

Gretel & Hansel
Peeping_Stork
6

Gretel & Hansel (Osgood Perkins, U.S.A, 2020, 1h27)

Déjà auteur du pas terrible ‘’I Am the Pretty Thing That Lives in the House’’ pour Netflix en 2016, Osgood Perkins revient aux affaires avec une version new-Age du conte Hansel & Gretel des...

le 8 avr. 2020

13 j'aime

2

The House on Sorority Row
Peeping_Stork
9

The House on Sorority House (Mark Rosman, U.S.A, 1982)

Voilà un Slasher bien particulier, qui si dans la forme reprend les codifications du genre, sans forcément les transcender, puisqu’il reste respectueux des conventions misent à l’œuvre depuis 3 ans,...

le 29 févr. 2020

10 j'aime