5 Danses d’Alan Brown est un film qui séduit par la grâce de ses mouvements, mais peine à faire vibrer le cœur. Avec son esthétique épurée et son intimité assumée, il aurait pu être une perle de sensualité et de justesse émotionnelle. Pourtant, malgré des intentions sincères, il laisse un arrière-goût d’inaccompli.
La plus grande réussite du film réside dans sa manière de filmer la danse : avec respect, précision et sensualité. Chaque geste, chaque appui du pied ou tension du bras, semble chargé d’un sens que les dialogues n’osent exprimer. C’est là que le film atteint sa beauté : dans ces instants suspendus où le corps devient le vecteur principal de l’émotion. La caméra d’Alan Brown épouse les mouvements sans les figer, laissant place à une forme de poésie silencieuse.
Mais si le corps dit beaucoup, le scénario, lui, dit peu. L’histoire de Chip, jeune danseur tout juste arrivé à New York, suit un parcours de découverte classique, presque trop discret. Les conflits sont esquissés, les enjeux personnels à peine effleurés. Le film semble craindre d'alourdir la légèreté des corps avec la densité des sentiments ou la complexité des choix.
C’est dans la relation amoureuse centrale que ce manque d’approfondissement se fait le plus ressentir. La rencontre entre Chip et un autre danseur du studio naît dans une douceur timide, un regard, un silence partagé. Cette retenue, loin d’être un défaut au départ, aurait pu enrichir la relation de délicatesse. Malheureusement, elle ne mène nulle part.
Leur rapprochement reste essentiellement physique, suggéré davantage que vécu. Le film choisit l’ellipse là où il aurait fallu creuser : faire émerger les doutes, les désirs, les tensions, les tendresses. On ne comprend jamais vraiment ce que cette histoire change pour eux, ce qu’elle construit ou déconstruit. L’émotion reste bloquée à la surface, comme si l’intensité potentielle de leur lien était sacrifiée au nom d’un minimalisme devenu frein.
Visuellement, 5 Danses est très maîtrisé. La lumière douce, les décors dépouillés, la répétition quasi rituelle des scènes de studio créent une bulle sensorielle agréable. Le film installe un rythme calme, proche de celui de la respiration ou de la concentration avant un mouvement. Pourtant, cette beauté formelle, aussi plaisante soit-elle, finit par tourner sur elle-même. Elle enferme les personnages dans un entre-soi presque claustrophobique, où rien ne déborde, ni les mots, ni les larmes, ni la vie.
5 Danses est un film qui veut parler avec délicatesse de l’intimité, du corps, de la jeunesse en quête de soi. Et sur ce plan, il y a une réelle sincérité. Mais cette pudeur devient parfois une distance. À force de suggérer sans incarner, d’esquisser sans approfondir, le film finit par glisser hors de la mémoire du spectateur.
Ma note de 5.5/10 traduit cette impression : celle d’un film honnête et touchant dans ses intentions, mais trop timide dans son exécution. Une œuvre qui aurait gagné à affirmer davantage ses choix narratifs, à explorer plus profondément ce qu’elle effleure : le trouble, le désir, le lien humain.
En somme, une chorégraphie délicate… mais inachevée.