Certains films partent avec une envie sincère de dire quelque chose d’important, de mettre en lumière des réalités sociales qu’on préfère souvent ignorer. 96 Minutes fait partie de ceux-là. Et pourtant, malgré sa bonne volonté et quelques intentions louables, il reste en demi-teinte, comme si le film n’avait pas totalement trouvé les bons outils pour porter la force de son sujet.
Construit autour d’un récit éclaté en flashbacks et séquences en temps quasi réel, le scénario veut créer une tension constante tout en revenant sur les causes du drame en train de se jouer. Ce choix narratif est ambitieux, mais malheureusement, il manque de cohérence dans l’enchaînement des séquences. Le montage, trop saccadé, nuit parfois à la lisibilité émotionnelle de l’histoire. On sent bien l’intention de créer un crescendo dramatique, mais la structure en va-et-vient dilue plutôt qu’elle ne densifie l’intensité du récit.
Côté interprétation, il y a du potentiel, parfois même de la justesse, notamment chez Evan Ross (Kevin), dont la fragilité contenue apporte un certain trouble. Brittany Snow, elle, reste correcte, mais son personnage manque de complexité, comme si son arc narratif avait été laissé en surface. Le problème semble venir moins des acteurs que de la direction d’acteurs, qui n’ose pas creuser dans les non-dits ou les contradictions intérieures. Résultat : les personnages, censés être le cœur du film, manquent d’épaisseur.
La réalisation d’Aimee Lagos reste assez neutre, presque effacée. Cela aurait pu servir le propos s’il y avait eu une vraie volonté de coller à un réalisme brut. Mais ici, la mise en scène paraît timide, comme si elle hésitait à s’impliquer pleinement. La caméra à l’épaule, souvent utilisée, semble plus imitative que véritablement expressive. Quant à la photographie, bien qu’elle cherche une certaine froideur documentaire, elle manque d’âme, de contraste, de parti pris visuel qui pourrait renforcer la tension ou le malaise.
Côté son, la bande originale reste discrète, ce qui est un choix compréhensible pour un drame social, mais elle n’offre ni contrepoint ni vraie valeur ajoutée. Les silences sont bienvenus, mais le travail de sound design reste trop neutre pour porter certaines scènes clés. Là encore, on ressent une retenue, presque une prudence dans tous les choix techniques, là où un peu plus d’audace aurait pu donner au film un souffle plus puissant.
Au final, 96 Minutes ressemble à une œuvre qui veut bien faire, mais qui reste prisonnière de son propre carcan. Le fond est là, le message aussi, mais la forme ne suit pas toujours. On aurait aimé un récit plus fluide, une mise en scène plus incisive, des personnages plus étoffés. Ce n’est pas un mauvais film, loin de là. Mais c’est un film qui reste au seuil de ce qu’il pourrait être : un drame social marquant. À la place, il laisse une impression d’inachevé, comme une course contre la montre où l’émotion arrive… un peu trop tard.