Batman Forever aura proposé une vision et une direction totalement à l'opposé de ce qu'avait mis en place Tim Burton par le passé. Le film se voulait comme un produit purement commercial destiné à vendre des jouets et proposant un univers beaucoup plus léger, loufoque et coloré. Ce troisième volet ayant été un énorme succès, un quatrième métrage fut rapidement mis en chantier. Batman & Robin fut donc à nouveau réalisé par Joel Schumacher et son équipe. Val Kilmer quitte le rôle du chevalier noir et laisse place à George Clooney pour endosser la cape.
La Warner décide de faire de ce long-métrage un objet encore plus commercial, coloré et léger que le précédent. Toutes ressemblances avec les deux premiers opus sont désormais inexistantes.


Batman & Robin fait partie de ces légendes du cinéma, humilié, lapidé et constamment rabaissé depuis sa sortie en 1997. Rarement une oeuvre cinématographique n’aura reçu autant de haine de la part du public. Considéré au mieux comme un nanar à gros budget, au pire comme un navet historique, il ne fait aucun doute que nous sommes face à une oeuvre culte malgré elle. La volonté de faire un produit destiné à vendre des jouets handicapera l'équipe du film et le tournage sera assez compliqué à gérer. Le cinéaste décidera de relever le défi et de couper toute limite à la réalité et à la logique pour embrasser un aspect kitsch, se voulant extrêmement proche du Batman de Adam West des années 1960. Cependant, l'écriture est la plupart du temps assez catastrophique et ne rend pas justice à cette vision loufoque.


Le film oppose donc les deux justiciers à Poison Ivy (Uma Thurman), Bane (un illustre inconnu) et Mr.Freeze (Arnold Schwarzenegger). Dès les premières séquences, le ton est donné et les scènes embarrassantes s'enchaînent à grande vitesse. Le duo Batman / Robin ne fonctionne pas et ne semble pas avoir évolué depuis le film précédent. Chris O'Donnell interprète un personnage aussi inintéressant qu'énervant et George Clooney semble se moquer ouvertement d'être présent à l'écran. Uma Thurman, pourtant excellente actrice, joue un personnage fonctionnant sur quelques rares séquences, mais restant finalement assez creux et visuellement peu inspiré. C'est vers la prestation de Schwarzenegger en Mr.Freeze que le constat le plus intéressant fait son apparition, mais nous y reviendrons plus tard.


L'un des plus gros problèmes du film vient du fait q'une fois que les protagonistes ôtent leur costume, il en ressort des séquence purement inutiles et ratées. Clooney semble se moquer de son personnage et ne semble pas touché un seul instant par les éléments. O'Donnell, de son côté, continue de jouer l'adolescent rebelle de façon consternante, et ne parlons même pas d'Alicia Silverstone en Batgirl qui offre le pire personnage du film, autant dans sa crédibilité d'actrice que dans son utilisation au sein du métrage. Finalement, Alfred (Michael Gough) restera le seul caractère intéressant de Batman & Robin, nous sentons qu'il s'agissait de la dernière fois où l'acteur reprend le rôle culte et il le joue malgré tout toujours aussi bien. Pour le reste, ses séquences n'ont aucun intérêt et coupent complètement le rythme du film, fonçant pourtant le reste du temps à cent à l'heure. De plus, elles tranchent complètement avec la volonté d'offrir une oeuvre résolument kitsch et loufoque. Là ou la série et le film avec Adam West semblaient assumer cet aspect, ici, ce n'est pas le cas.


Le long-métrage est principalement connu pour son visuel coloré discutable et ses séquences de confrontations entre les personnages masqués. George Clooney fait de Batman une figure "cool" et décontractée, ne semblant jamais impactée par les éléments perturbateurs du récit. À vrai dire, c’est le cas pour chaque personnage dont les motivations ne semblent pas très claires. Chacun de ces caractères ne seront en réalités présents uniquement que pour exprimer de nombreux "one-liners" sur "one-liners". J'imagine qu'en ce moment même, plusieurs exemples vous viennent en tête, le personnage symbolisant le mieux cette idée restant Mr.Freeze.
L'antagoniste interprété par Arnold Schwarzenegger offre ce qui reste, d'une certaine façon, le meilleur personnage du film. C'est le seul ayant des motivations et un plan (même si celui-ci n'a absolument aucun sens). De plus, nous avons là l'acteur le plus impliqué de l'oeuvre, ce qui est paradoxale car il est en totale roue libre et ne joue pas spécialement bien. Mais il est évident que Schwarzenegger s'amuse dans son rôle. Il garde assez surprenamment certaines scènes assez touchantes. J'apprécie cette version du personnage, c'est un petit plaisir malsain que de voir le célèbre acteur autrichien partir dans une caricature extrême avec une VF d'exception. Il est d'ailleurs à l'origine d'un grand nombre de mêmes sur Internet que vous connaissez sans doute, sachant que 90% de ses dialogues seront des one-liners.


Le film ne fonctionne pas du fait qu'il n'assume pas son aspect loufoque, il fut reçu comme l'un des pires métrages jamais réalisé. C'est ainsi que, même sur le DVD de Batman & Robin, vous retrouverez un making of vous proposant des interviews d'acteurs qui exprimeront leur mépris pour l'oeuvre. Vous verrez, par exemple, Chris O'Donnell expliquer qu'il ne savait pas qu'il allait jouer dans une pub géante pour vendre des jouets et enfonce son propre film; ou bien encore Joel Schumacher lui-même qui s'excusera d'avoir réalisé Batman & Robin car : "il ne savait pas qu'il allait faire un si mauvais métrage". Cette oeuvre est souvent qualifiée d'avoir tué Batman au cinéma pendant huit ans.


L'oeuvre de Joel Schumacher est bel et bien un échec. Cependant, cela serait oublier que c'est quelque part le fait que le film soit ce qu'il est qui aura donné l'opportunité à la trilogie de Christopher Nolan de voir le jour. Batman & Robin sonne dès lors comme un passage obligé du destin ayant permis d'offrir le meilleur par la suite. De plus, il y a quelque chose de fascinant dans ce film : malgré le fait qu'il ne s'assume pas, il en reste malgré tout un certain jusqu'au-boutisme où nous ressentons que quelqu'un devait bien croire à la réussite artistique du projet. En revoyant récemment le métrage (par pur masochisme et fascination) je ne pus m'empêcher de penser que quelque-chose se dégage de cette oeuvre et que nous retrouvons malgré tout, à certains moments, l'esthétique recherchée de coller aux comics d'origine et au Batman des années 1960. Nous retrouvons lors de certains passages ce que représentaient le film et la série avec Adam West à l'époque, sauf que nous sommes aux années 1990. De même, certains éléments semblent vraiment tellement gros à encaisser, comme la fameuse bat-carte de crédit, que je ne peux m'empêcher de penser que tout cela était voulu.
Il est plus qu'évident que le film comporte des défauts de récit, de technique, d'écriture, de mise en scène, de faux raccord et de mauvais goût (en fait, nous retrouvons des problèmes à tous les niveaux), mais il en reste un objet fascinant par moment qui, je pense, mérite d'être revu. Quel que soit l'angle selon lequel vous le revisionnerez, je pense que vous sentirez que quelque chose, et oserais-je, dire une personnalité, se dégage de cette mélasse. Batman & Robin reste un plaisir coupable, une oeuvre que l'on aime autant que l'on peut la détester, mais qui nous mènera plus tard à la prodigieuse trilogie, et surtout, au The Dark Knight de Christopher Nolan.

Vladimir_Delmotte
2

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le 28 avr. 2020

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