Le studio Aardman est admirable à bien des égards. Depuis leur série de courts-métrages « Wallace et Gromit », ils ont acquis une popularité hors-norme avec une technique d’animation qui fait leur marque de fabrique : le stop-motion en pâte à modeler. S’ensuit un excellent long-métrage « Chicken Run » et un très bon prolongement de « Wallace et Gromit » au cinéma en 2005, perpétuant tous deux ce qui fait le charme de leurs films. Malheureusement, entre « Souris City » et « Mission : Noël », leurs productions suivantes ont perdu de la saveur originelle. Et alors que leur dernière réalisation « Les Pirates ! Bon à rien, mauvais en tout » redressait un peu la barre, « Shaun le mouton », arrive à point pour redorer le blason du studio.


Shaun est un mouton parmi les autres, vivant tranquillement et docilement à la campagne, dans une ferme où il côtoie les cochons, le chien et leur affectueux fermier. Sauf que le quotidien peut s’avérer bien morne, lorsqu’il s’agit de rester toute la journée dans un enclos, à attendre de se faire tondre. Quel stratagème pourrait-il inventer pour s’accorder un jour de repos ? Après « Chicken Run », Aardman développe une autre fresque animalière, où les animaux sont confrontés à un environnement urbain peu hospitalier pour des campagnards dans leur genre. Le récit est en tout point une réussite, particulièrement bien rythmé, et arrivant à rester crédible tout en insufflant une bonne dose de fantaisie. Il est de ce côté-là foisonnant de détails et d’idées de mise en scène souvent hilarantes, à l’image de ce chien fou au regard vide scrutant le spectateur avec insistance.


Quant à la réalisation, il n’y a là aussi rien à redire : l’animation est propre, les mouvements fluides, et l’absence de parole est compensée par les postures et expressions des personnages, d’une efficacité à toute épreuve. La bande-son omniprésente meuble le tout avec brio, entres morceaux de rock et chorale de moutons. On ne peut que rester admiratif devant un ouvrage aussi minutieux et maîtrisé, un humour burlesque aussi féroce, bien que parfois un peu prévisible. A noter aussi la présence de références discrètes et bien amenées, lorgnant autant du côté de « La Nuit du Chasseur » que de « Breaking Bad ». Il y a enfin dans les inventions farfelues des moutons pour passer inaperçu face aux humains une certaine poésie, notamment dans la dernière partie du film, qu’on n’avait pas revue dans un film du studio depuis… « Wallace et Gromit » !


A l’origine une série télévisée d’animation d’Aardman, « Shaun le mouton » se développe sur 1h 25 avec une inventivité inépuisable, un humour irrésistible et une universalité dans son traitement qui conviendront à tous les publics. Il y règne une bonne humeur communicative, et fichtrement réjouissante.

Marius Jouanny

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