The House that Henri Built - Double-Critique, Landru et The Hous that Jack Built

Bah oui. Voir le film de Chabrol après le celui du bon Lars permet de dresser un parallèle qui, plus encore que pour son sujet de base, se justifie par des points communs très... communs, pour ne pas dire que Lars Von Trier a vu Landru et que ce dernier pourra même être qualifié de brouillon de The House that Jack Built pour les mauvaises langues.


Le film en lui même n'a en vérité que peu d’intérêt a être critiqué. C'est l'histoire vraie du célèbre tueur en série Français (cocorico tavu) Henri Désiré Landru qui, durant la première guerre mondiale, épousait des bonnes femmes et les amenait dans sa maison de campagne pour les tuer, brûler leurs cadavres et les dépouiller ensuite. On est chez Chabrol, la caméra est libre, la réalisation est d'une modernité assez affolante pour 1963, la reconstitution bluffante et les acteurs, dont un Charles Denner absolument terrifiant de grotesque avec son apparence inimitable et sa voix de Louis de Funès sous citalopram coupé a la meth, habités par leurs rôles. Nan vraiment c'est très bien.


... voila voila...


Bref, qu'importe la qualité intrinsèque du long-métrage, l'important avec ce papier c'est de ce rendre compte de la modernité de la structure de Landru. Et pour mettre en image cette modernité, appuyons sur le chef d'oeuvre de Lars Von Trier, The House that Jack Built donc.
Caler des images d'archives entre des meurtres au choix sanglants, au choix discrets ? Pourquoi pas ? Que ce soit pour "relativiser" la violence bourgeoise d'un petit docteur face aux horreurs de la première guerre mondiale ou évoquer la douleur de l'artiste prédateur aussi pathétique que sympathique, les deux réalisateurs démontrent, plus ou moins implicitement une sorte de tendresse pour leurs personnages respectifs. Implicite car qui (à part LvT cela dit) irait montrer une telle violence pour ensuite la relativiser ou pire: l'excuser ?


Excuser non. Mais il semble assez facile de dire du Landru de Chabrol qu'il utilise les images documentaires pour montrer que meme dans le cadre d'une savoureuse comédie noire sur fond d'histoire vraie sordide, la réalité n'est pas épargné d'une violence barbare qui n'intéresse meme pas vraiment le réalisateur, qui ne voit aucun interet à mettre en scène la mort, préférant figer les femmes disparues dans un arret sur image paradisiaque qui sublime une derniere fois un visage comblé, avec une belle musique en fond, comme dernier geste de compassion à l'égard de victimes cloitées dans la maison comme dans la fiction...


Quand soudain: FAME de David Bowie !!


Et oui, 55 ans plus tard, Lars Von Trier dévoile son grandiose The House that Jack Built à Cannes, et on est plus la pour rigoler. Après tout, qu'est ce qu'elles sont bêtes ces femmes! Si Landru ne manquait pas de déblatérer ce qui semble être le fruit de longues années de recherches en comportements féminins (pour ne pas dire qu'il enchaîne les remarques misogynes tout au long du film), Jack n'a pas non plus sa langue dans sa poche, et en plus il se permet d'avoir une voix-off, ce qui est bien pratique quand il s'agit de cracher son venin sur le premier personnage féminin qui aura le malheur de rentrer dans le champ. C'est simple: nos 2 tueurs en herbe sont ouvertement misogynes, tout en étant persuadés d’être bien plus intelligent que le monde autour d'eux, ce qui est par ailleurs le cas de chacun selon grand nombre de philosophe mais c'est une autre histoire. Landru et Jack ouvrent leurs gueules. Ils ont quelque chose à dire ? Alors que la majorité s'en voudrait de penser le quart de ce qu'ils n'osent dire, les deux hommes n'ont aucune gêne à exprimer leurs pensées et ressentis respectifs à qui veux l'entendre (souvent des femmes, pas mal au public, beaucoup aux deux). Le tueur en série, comme le mafieux, pousse les passions humaines à leurs paroxysme pour mieux en montrer l'envers.


Après la vie, la mort ! (J'ai pas d'idée de transition)


Si Chabrol se garde bien pudiquement de montrer les mises à mort des victimes de Landru, préférant la subtilité d'un arrêt sur image comme cité plus haut, Jack lui savoure le moment fatidique et pire, il se bâtit une maison de... gens morts. Le petit feu normand ne suffit plus, Jack prend un plaisir insensé dans sa quête tout aussi insensé de construire un maison Hasbro en peau et membres de personnes dans un état avancé de décrépitude.
Et oui, malgré tout les points communs, il ne faut pas omettre un point essentiel du récit ; la motivation de nos personnages. Landru ne recherche que l'argent et son objectif est croisé avec le contexte historique: c'est la guerre, l'argent manque, voici jusqu’où est prêt à aller cet homme pour subsister. Jack ? Amérique, années 70. La fin de la libération sexuelle; des mœurs et de la jeunesse. Manson est passé par la, Jack fait le ménage. Enfant pourri des Etats-Unis, Jack n'est guère qu'un vieux garçon qui aime les filles et leur rend mal. En cela, on peut revenir sur les images qu'incrustent les deux réalisateurs dans leurs films, documentaire pour Chabrol, fictif pour Lars Von Trier, et même nourris de culture populaire issus de son époque et de celle du cinéaste, qui se plait à insérer ses propres films dans son Enfer personnel, si glauque mais au fond, ou il se sent si bien.


Il est assez drole, en tout cas autant que peuvent l'etre un film qui construit un running-gag sur l'odeur de cadavres et un autre sur les meurtres d'enfants, de constater que ces deux films ont étés critiqués à leurs sorties respective pour leur "immoralité" par exemple. Si Landru écope de ces accusations pour sa représentation jugé parfois diffamatoire de la réalité, The House that Jack Built lui se voie critiqué sous ce bouclier d'argument sur l’entièreté du long-métrage, pour son contenu choquant qui se soucie peu de ménager le spectateur. C'est seklon moi mal saisir le propos du réalisateur. A travers son film, Lars Von Trier VEUT choquer pour appliquer le but antique de toute histoire un tant soi peu jugée immorale depuis l'Antiquité: la catharsis. C'est la raison même d'exister des films de tueurs en séries ou de mafieux, choquer le spectateur, lui montrer le "bon" pour l'emmener vers le "mauvais" et ainsi le libérer de quelques pulsions d'animosité auquel est réduit le personnage de Jack.


Roman Polanski disait quand on lui reprochait la violence de son Macbeth: "Macbeth est une pièce violente. On doit la montrer telle qu'elle est. Ne pas la montrer telle qu'elle est, ne pas la décrire de façon réaliste, c'est immoral et nuisible. Si l'on ne dérange pas les gens, c'est de l'obscénité."


Je pense que cette citation s'applique aussi bien à Landru et The House that Jack Built qu'à n'importe quel autre film. Le cinéma, c'est l'art de parler au spectateur autrement. Ces deux films en sont particulièrement la preuve.

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le 20 sept. 2019

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MrRenton

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