La rencontre de deux « monstres » apprenant la résilience

Je me demandais vraiment sur le genre de film sur lequel j’allais tomber même après avoir lu quelques articles sur l’histoire même de Titane. Les premières scènes du film présentant l’anti-héroïne et son background familial ( le conflit trés tôt avec le père et ce bruit de voiture faisant vibrer la petite fille) résume pourtant beaucoup de choses. Alexia adulte ne faisant que répéter une violence qu’elle trimballe en elle depuis longtemps et laissant place à des pulsions terribles qu’elle commet par auto-défense car elle ne comprend pas les émotions.La rencontre avec ce pompier qui n’a jamais accepté la mort de son fils et la choisit comme garçon de substitution ( alors qu’elle en fera un référent avec plus de place au fur et à mesure du récit) est ce qui fait rentrer Titane, contre toute attente, dans le registre de l’affectif et de la reconnaissance de l’autre.Julia Ducournau, en opérant ce virage fracassant, passe d’un cinéma cash à un cinéma plus émotionnel et contenu. Vincent Lindon, dont on ne comprenait pas vraiment l’implication dans un tel film, apporte au personnage de la jeune femme toute l’empathie dont elle a cruellement manqué et lui donne de nouveaux repères. Si le spectateur accepte ce rapprochement entre ces deux « monstres » en conflit avec leurs natures profondes, il entre dans ce que veut démontrer Julia Ducournau dans le dernier tiers de son film: que la résilience est possible pour ceux qui ne rejettent pas leurs fondements et finissent par les accepter. Ce que je trouve phénoménal dans Titane, c’est l’énergie déployée pour confronter les atmosphères tendues et apaisées, qu’un moment de grâce peut basculer dans la violence et que cette dernière peut s’effacer contre toute attente. Un genre de montagnes russes continuel où Ducournau suggère que ces personnages à bout de souffle ne veulent pas abandonner le combat pour eux-mêmes et leur structure fragile les reliant un tant soit peu à la vie. Revenons aussi sur la performance physique de l’actrice Agathe Rousselle dont le corps est à la fois un exutoire et une prison.On ne peut qu’être sidéré par cette animalité en sommeil ou résurgente à l’intérieur de son personnage.La fin du film, genre de catharsis symbolique pour les deux personnages principaux, est ouverte. Car tout ce qui est d’importance est advenu bien avant et qu’il n’a plus rien à rajouter.Une ultime révérence qui pourrait créer bien des débats sur les intentions même du film au delà même des possibilités du genre humain dans l’imaginaire.

Specliseur
7
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le 20 juil. 2021

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