Zootopie
7.3
Zootopie

Long-métrage d'animation de Byron Howard, Rich Moore et Jared Bush (2016)

L'esquisse d'analyse que je propose ici est tout-à-fait personnelle, et ne peut en aucun cas être perçue comme une volonté d'imposer mon interprétation sur ce film.


Zootopie est une ville hors du commun, peuplée uniquement par des mammifères, où toutes les espèces vivent en harmonie, et où chacun peut devenir ce qu’il veut être. C’est du moins ce que croit Judy Hopps, une lapine, dont les parents sont fermiers et ne souhaitent rien d’autre pour leur fille que de la voir perpétuer la tradition familiale. Seulement, Judy, elle, rêve de faire carrière dans la police, ce qui la pousse à aller accomplir son rêve à Zootopie. Là, elle va se rendre compte que les stéréotypes ont la dent dure, et qu’être policier quand on est une lapine n’est pas évident… Quand elle accepte contre l’avis de son chef de résoudre une affaire de mammifères revenus à l’état sauvage, elle pense pouvoir ainsi faire ses preuves. Mais elle ne sait pas au cœur de quel sombre complot elle se retrouve plongée…


Comment décrire l’univers foisonnant de Zootopie ? D’une richesse incroyable, le souci du détail et la créativité qu’on y trouve feraient pâlir d’envie n’importe quel membre des studios Pixar, pourtant les maîtres dans l’art du détail. Si ces derniers nous avait offert un bon film avec Le Voyage d’Arlo (dernier film d’animation produit par les studios Disney avant Zootopie), on y trouvait un postulat de départ qui était trop peu exploité. C’est ici tout le contraire, grâce à cette ville à laquelle les animateurs du film ont su donner une épaisseur incroyable, en jouant de manière hilarante et souvent très bien vue sur les décalages entre les différentes espèces qui peuplent Zootopie.
Ce décalage est d’ailleurs très bien exploité, permettant notamment une morale plus nuancée que ce qu’on aurait pu craindre. En effet, alors que le film dénonce les stéréotypes, il joue tout de même dessus pour nous en offrir un certain nombre car ce qu’il nous montre, c’est d’abord qu’un stéréotype contient bien souvent un fond de vérité (qui oubliera la scène de l’administration dirigée par… des paresseux ?), mais qu’à partir de ce fond, on émet un jugement qui s’impose en vérité générale, et c’est là que le stéréotype devient faux. C’est dans cette optique que Zootopie peut alors nous montrer que la lutte contre les préjugés doit tout autant être un combat intérieur de la part de ceux qui les propagent que de la part de ceux qui en sont victimes, car finalement, c’est en ces derniers que doit commencer le changement.
Cette idée est d’ailleurs parfaitement incarnée par Nick Wilde,


renard qui, pour avoir été victime des préjugés d’autres animaux qui ne voulaient voir en lui qu’un arnaqueur indigne de confiance, s’est finalement enfermé lui-même dans cette image en entretenant sa réputation.


Mais l’exemple de Nick qui prend conscience que, s’il veut mettre fin aux stéréotypes, il doit être le premier à changer, peut être confronté au contre-exemple des journalistes qui, eux, ne cherchent pas du tout à changer, et manipulent Judy pour lui faire dire ce qu’ils veulent qu’elle dise…


Mais l'exemple le plus probant est sans doute celui de la grande méchante Bellwether, la secrétaire humiliée en permanence par le maire de la ville, et qui n'a pas su mettre de côté son orgueil et son amour-propre. Certes, son combat est fondé, mais à travers sa lutte, elle laisse parler son orgueil avant tout. Au lieu d'accepter le monde tel qu'il est, avec ses défauts, pour essayer de l'améliorer, elle préfère essayer d'effacer ces défauts, pour faire du monde ce qu'elle veut qu'il soit. Car oui,il nous faut bien comprendre que "la vie n’est pas une comédie musicale où on se sent libérée, délivrée !" (je crois que c'est comme ça que la réplique a été traduite en français. En anglais, l'allusion est encore mieux introduite: "Life isn't some cartoon musical where you sing a little song and your insipide dreams which magically come true... so LET - IT - GO !"). C'est tout le mérite de Judy de l'avoir compris, en acceptant de se corriger d'abord, avant de vouloir corriger les autres, et c'est tout le tort de Bellwether de l'avoir refusé. L'orgueil ne fait pas bon ménage avec les préjugés: on le savait déjà, Disney nous le confirme de superbe manière.


Enfin, des personnages secondaires qui ont toute ma tendresse sont les parents de Judy... En effet, ils sont l'illustration que la petitesse et la simplicité peuvent être un choix, et ne rendent pas moins heureux que l'ambition et la recherche d'accomplissement personnel que met en oeuvre Judy. S'ils disent avoir mis leurs rêves de côté, ils ont finalement très bien su s'en accommoder pour vivre une vie simple et sans ambition, mais une vie heureuse avant tout. Ils offrent ainsi un juste pendant à la combativité de Judy, qui est tout-à-fait honorable, mais qui ne peut satisfaire tout le monde. Chacun a sa place à sa mesure dans la société, et il n'est pas nécessaire d'avoir atteint le sommet pour être heureux.
On pourrait trouver encore de nombreux personnages, qui illustrent tous des choix de vie différents, mais qui, tous, peuvent rendre heureux. C'est cette variété qui permet aux créateurs du film de nous offrir une vision globale de notre société. Une vision de la société finalement assez juste, loin de l'idéalisme niais et béat que certains s'obstinent à vouloir faire coller à l'image des studios Disney. Une vision qui, en outre, est servie par un humour à toute épreuve, et qui offre des allusions hilarantes que goûteront les plus grands sans que cela gêne le jeune public outre mesure.
Cela dit, il me semble tout de même que la folie du film aurait pu être poussée encore un brin plus loin, mais c'est vrai qu'elle est déjà à un niveau plus qu'acceptable. Quant au scénario, s’il use d’un ou deux retournements assez artificiels, il est très bien mené, et permet de donner une vraie unité au film, en joignant les différents éléments entre eux, comme dans un bon film policier.
Bref, malgré des personnages qui auraient pu être davantage creusés, et un humour qui aurait pu être poussé encore un peu plus loin pour atteindre véritablement l'excellence, l'univers de Zootopie est d'une richesse telle qu'il est permis d'affirmer une chose: malgré les évolutions du cinéma, de la société, et de notre monde contemporain, l'esprit de Walt Disney est bel et bien resté intact.
Espérons que les studios continueront à rester fidèle à l'homme qui révolutionna l'animation, et qui, toute sa vie durant, essaya de rendre le monde meilleur...

Tonto
8
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le 7 mai 2016

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Tonto

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