Avec A Single Shot (2013), David M. Rosenthal s’inscrit dans une tradition du thriller rural américain, à mi-chemin entre le drame introspectif et le film noir atmosphérique. L’ambition est manifeste : restituer la lente dérive d’un homme isolé, piégé à la fois par la nature sauvage qui l’entoure et par ses propres décisions. Pourtant, malgré des intentions artistiques respectables, le film échoue à générer une tension durable ou à construire une narration suffisamment structurée pour captiver pleinement. D’où une note, pour ma part, de 5/10.
Le récit repose sur un point de départ classique mais potentiellement fort : John Moon, chasseur marginalisé, tue accidentellement une jeune femme et découvre, sur son cadavre, une valise pleine d’argent. Ce motif du "péché originel" enclenchant une série de conséquences funestes est familier, mais efficace lorsqu’il est bien traité. Le problème ici ne réside pas tant dans l’intrigue elle-même que dans son développement : le scénario peine à instaurer une véritable progression dramatique, préférant s’attarder longuement sur l’ambiance au détriment de l’évolution narrative.
Sam Rockwell incarne John Moon avec une justesse indéniable, jouant sur la retenue, la culpabilité et le désespoir silencieux. Il est sans doute le pilier du film, apportant une profondeur que l’écriture n’offre pas toujours. Toutefois, autour de lui, les personnages secondaires manquent cruellement d’épaisseur. Ils apparaissent souvent comme des figures symboliques — la femme perdue, les hommes menaçants, les voisins hostiles — plutôt que comme des individus aux motivations crédibles. Cette faiblesse nuit à la cohérence de l’univers dépeint, qui reste en surface au lieu de s’ancrer dans une réalité émotionnelle plus dense.
Sur le plan visuel, Rosenthal parvient à construire une esthétique froide et pesante. Les paysages désolés, les cabanes délabrées, la lumière hivernale : tout concourt à une atmosphère de délabrement moral et physique. C’est sans doute l’aspect le plus abouti du film. Mais cette réussite formelle ne suffit pas à masquer une mise en scène parfois trop contemplative, voire statique. L’absence de variation rythmique, combinée à une intrigue peu renouvelée, finit par créer une monotonie difficile à ignorer.
Quant à la musique d’Atli Örvarsson, elle tente de souligner la tension latente mais n’apporte pas de réelle dynamique dramatique. Loin de renforcer les moments clés, elle semble souvent redondante, voire illustrative, sans parvenir à créer un véritable contraste émotionnel.
Au fond, A Single Shot souffre d’un déséquilibre entre sa volonté d’introspection psychologique et les exigences narratives du thriller. Le film veut à la fois explorer la solitude d’un homme face à ses fautes et construire un suspense noir autour de la découverte d’un crime. Mais en ne tranchant jamais clairement entre ces deux axes, il finit par diluer son propos. L’ensemble laisse une impression de flottement, comme si le film s’enfermait dans son propre silence.
En conclusion, A Single Shot est une œuvre à l’esthétique maîtrisée, portée par une performance centrale convaincante, mais affaiblie par une écriture trop hésitante et un manque d’arc narratif fort. C’est un film qui aurait pu être puissant s’il avait davantage creusé ses enjeux et ses personnages, et mieux équilibré sa forme et son fond. Une œuvre qui laisse un goût d’inachevé, mais dont on peut saluer les intentions.