Ni un bon film d’action, ni un bon film d’horreur, ni une bonne suite, ni un bon préquel

Après la grande déception que fut Prometheus par les mains de celui qui avait créé le mythe xénomorphe, sa suite directe assume désormais dans son titre l’appartenance à la saga Alien, mais en est-il à la hauteur ? Ridley Scott rempile donc avec Alien Covenant et j’ai été assez naïf pour croire que le réalisateur allait apprendre de ses erreurs pour nous livrer un peu mieux. Je me suis trompé et nous allons voir ça plus en détails dans cette critique, mais commençons d’abord par le positif.


Notre vieux Ridley a pas mal lorgné du côté de son huitième passager pour son rythme et son schéma narratif et ce n’est clairement pas pour me déplaire, durant près de deux heures je ne me suis jamais trop ennuyé devant, même à mon deuxième visionnage. Les jumpscares en cascade à la mode des films d’horreur d’aujourd’hui sont évités pour mettre davantage l’accent sur l’ambiance, reste à savoir si cette dernière est réussie. Il y a des fusils de tchékov assez bien foutus, comme le véhicule de la fin du film rapidement présenté au début lors de la tournée d’inspection par Daniels.


Il y a pas mal de clins d’œil de mise en scène assez subtils à la saga : la forêt artificielle à l’arrière-plan du personnage féminin principal qui vient d’apprendre la mort d’un proche à la manière d’Aliens, le labyrinthe de sas pour piéger le xénomorphe à la manière d’Alien 3… On retrouve une thématique forte pour un film de science-fiction avec le fait de créer dans un but esthétique plutôt que fonctionnel comme critère pour passer à l’état de civilisation. La musique classique est utilisée en y mettant du sens et pas seulement pour faire genre. Et c’est à peu près tout avec les points positifs, déjà pas mal vous me direz mais attendez de lire la suite.


Les personnages de David et de Walter sont très intéressants sur le papier et plutôt bien interprétés par Michael Fassbender mais c’est terriblement sous-exploité. L’idée de la rencontre entre un androïde livré à lui-même depuis des années, sans aucune directive à suivre, et un androïde dans son état de servitude dont il n’a jamais pu s’extirper peut amener à de très bonnes thématiques. Se respectant et se méfiant mutuellement, on pourrait avoir une bonne gestion du suspense à leur sujet. Là ça reste en surface et ça ne développe pas grand chose, et j’ai un autre problème avec le personnage de David : ses motivations.


Je pense que les motivations de David auraient dû être plus compréhensibles et plus simples. Il n’aurait vu dans les Hommes que le mauvais ou la faiblesse dans Prometheus et ce Covenant, en serait venu à la conclusion que nous ne méritons pas notre place dans l’univers et aurait donc mis en place son plan pour développer la race des Aliens. Une race qu’il entendrait meilleure car débarrassée des émotions, des intérêts personnels... qu’il jugerait par rapport à ce qu’il a pu voir des humains. Là j’ai l’impression qu’il veut juste jouer à l’apprenti sorcier à son tour, parce qu’il n’ a pas besoin de mettre en place un tel plan pour s’émanciper de sa condition de machine servile et qu’il a aussi vu du bon dans l’Homme qu’il choisit d’ignorer sans raison apparente.


Si l’Alien en lui-même est davantage mis en avant dans le récit, je trouve qu’il y a un affaiblissement du mythe par l’explication de ses origines un peu bancales, c’est plus grave que dans Prometheus qui restait un peu éloigné de la saga là où ce Covenant se vend comme en faisant pleinement partie. Là il devient presque un slasher pour des personnages attardés et souvent filmé en plan large, donc pas si impressionnant que ça en dehors du fait qu’il est véloce, on est très loin de la machine à tuer quasi-increvable du premier Alien dont chaque apparition marque à vie.


Quid de la reine dans cette explication des origines ? Parce que la reine pond des œufs, les œufs éclosent à l’approche d’un hôte potentiel pour libérer un facehugger, du contact prolongé entre le facehugger et son hôte né un alien qui obéit à sa reine. Le schéma est plutôt clair, expliquer les premiers facehuggers et les premiers Aliens sans faire mention de la reine c’est oublier un point essentiel de la question. Même si on part du principe que seul le huitième passager est pris en compte dans la timeline il y a des incohérences, comme la forme de l’Alien à sa naissance qui est différente alors que là c’est censé être la même espèce.


Si le film se rate pas mal comme préquel d’Alien, il se rate aussi comme suite de Prometheus, la place des ingénieurs dans le récit est trop vite évacuée vu le build up du précédent film sur la question et la tentative d’explications de ses nombreuses incohérences avec la diversité des résultats du liquide noir est un peu faiblarde. Seule l’introduction du personnage de David dans le précédent film compte pour bien saisir celui-ci, qui était Elizabeth Shaw, quelle était la mission du Prometheus… sont des questions sans importance dans ce récit en réalité.


Un autre problème du film, une fois resitué dans sa saga, c’est qu’il n’est ni un bon film d’horreur, ni un bon film d’action, il est moyen dans les deux registres alors qu’il fut un temps où la saga était une référence, dans l’un ou dans l’autre. On a une longue phase avant que l’action ne démarre pour instaurer les personnages mais il y en a tellement qu’ils sont trop peu développés pour que je m’y attache, c’est pas aussi problématique que dans Prometheus mais on retrouve le problème.


Mais le pire c’est la stupidité des personnages qui les tue plutôt que leur peur : se balader dans un environnement extra-terrestre jamais identifié sans aucune protection contre des maladies pouvant se propager de mille et une façons, faire tomber un fusil à pompe en glissant et se tirer en quatrième vitesse sans le ramasser au passage, se croire à l’abri juste parce qu’un inconnu leur dit que c’est bon alors qu’aucun système de défense ou de barrière d’apparence infranchissable n’est visible, suivre un mec visiblement très louche dans un endroit sombre sans même le garder en joug ou se méfier de ses consignes...


Peu importe comment on juge Alien Covenant, préquel de Alien, suite de Prometheus, film d’horreur, film d’action, film de science-fiction… il ne fait absolument rien correctement et ses quelques qualités le rendent simplement passable là où ses ambitions et ses moyens exigent un bien autre niveau. Et je trouve ça plus dommageable à la saga Alien que Prometheus puisque, encore une fois, nous parlons ici d’un film Alien à part entière et non d’un préquel déguisé. Sorti la même année, je recommande bien plus le film Life dans un genre très proche.

damon8671
4
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de Ridley Scott

Créée

le 12 janv. 2018

Critique lue 281 fois

7 j'aime

damon8671

Écrit par

Critique lue 281 fois

7

D'autres avis sur Alien: Covenant

Alien: Covenant
Sergent_Pepper
5

Asperge le mytho

Le dédale nous égare : Ridley Scott, en retournant à ses premiers amours, ne nous en facilite pas nécessairement l’accès : retour du monstre, suite de son prequel, quête des origines, récit fondateur...

le 12 mai 2017

116 j'aime

27

Alien: Covenant
MatthieuS
5

Un projet qui aurait mieux fait d’être tué dans l’œuf

Alien Covenant est donc la continuité de Prometheus, film réalisé et produit par Ridley Scott en 2012. Cette suite, du nom d’Alien Covenant, est le dessin d’un projet. Ce projet est de rendre cette...

le 11 mai 2017

88 j'aime

34

Alien: Covenant
Behind_the_Mask
7

Mother fucker ?

Dis-moi, cher abonné, te souviens-tu ce que tu faisais en 2012, plus précisément le 30 mai ? Ah ah, j'étais sûr que tu allais dire ça. Allez, je te donne un indice pour te remettre en situation. Tu...

le 11 mai 2017

83 j'aime

22

Du même critique

Mass Effect
damon8671
8

Un début certes imparfait mais à l'univers incroyablement prometteur

Après le formidable succès de KOTOR dont il fut game-director, Casey Hudson veut repartir dans l’espace et répéter les grandes qualités des meilleures productions Bioware déjà existantes mais en...

le 24 août 2013

35 j'aime

11

The Thing
damon8671
9

Matters of trust

Premier film de la trilogie de l’Apocalypse de John Carpenter, série de films d’horreur dans lesquels un mal absolu semble rapprocher l’humanité d’un apocalypse inéluctable, The Thing est l’un des...

le 28 oct. 2023

25 j'aime

3

Super Mario Sunshine
damon8671
8

Ambiance prononcée, gameplay riche et original & réalisation bien vieillissante

J'ai joué à tous les Mario 3D (parce que je les distingue véritablement des Mario 2D) et Super Mario Sunshine est mon préféré parmi ceux-ci, ce qui n'est quand même pas rien vu l'excellence de la...

le 22 oct. 2013

23 j'aime

7