janv 2011:

"Magnifique conte mêlant souvenirs intimes et partagés, rêves et fantasmes avec l'exubérance du tempérament fellinien, avec des femmes qui pleurent l'amour, qui rient du cul, des enfants qui pissent sur des chapeaux et courent dans les rues pour capturer les madines. La caméra de fellini est prodigieuse, que j'aime ses mouvements, son invention, sa peinture, ses traits fendent l'air et la terre. Fellini est un génie."

Voilà en résumé ce que je bafouillais il y a une sixaine d'années. Aujourd'hui, très étrangement, j'entends toujours les arguments de cet enthousiasme mais le ressens un peu moins. C'est d'autant plus étonnant que cette fois, j'ai la chance de le voir sur un superbe Criterion (désolé pour le pléonasme) et un grand téléviseur LCD. L'avantage technologique aurait dû évidemment exciter le plaisir des yeux et du cœur. Il n'en fut rien.

Pourtant, je ne retirerais rien de ce que j'ai écrit en 2005 et qui faisait voir ce film avec les yeux de l'amour. Car le film raconte une très belle histoire, certainement en large partie autobiographique celle d'une petite ville de bord de mer, entre communisme et fascisme, avec l'horloge de la nature et des évènements que les hommes ont institué comme pierres blanches, la St Jean, les premiers flocons ou le passage d'un paquebot, autant de moments où l'ensemble de la population s'émeut dans la contemplation collective, comme on regarde passer la vie.

Fellini s'attache particulièrement sur une famille, la sienne je suppose, pour nous promener avec tendresse dans cette époque et cette culture où les êtres s'aiment en se criant dessus. Ce qui me touche encore avec force c'est ce regard extrêmement tendre que pose Fellini sur ses personnages. Certaines scènes sont incroyablement émouvantes. Je retiens par exemple cet homme qui vient de perdre sa femme, il est attablé, on le voit de dos, il ne crie plus. Silencieusement, la tête tournée vers la nappe de cette table vide. Dans la lumière vive qui vient de l'extérieur, il est perdu.

Je pourrais retenir les mille idées poétiques qui parsèment le film ou plus généralement ce trait, cette esthétique, ces femmes opulentes, généreuses, ces hommes à gueules, ces personnages que l'on croirait sortis d'une bande dessinée de Pichard ou plus encore de Dubout. Bien sûr Magali Noël a comme qui dirait un physique difficile à oublier. La marque du temps a belle allure sur elle.

Cependant, le plus fort reste encore cette musique de Nino Rota. Il est des mélodies qui parfois dépassent les bornes du bête entendement. En effet, il arrive qu'on puisse nouer une sorte de relation intime avec une musique. C'est le cas pour moi de celle-ci. Je n'irais pas jusqu'à dire que je suis amoureux, je ne suis pas si mélomane, mais un lien particulier s'est créé entre elle et moi. Elle est devenue pour moi LA musique de film, la musique de cinéma. Quand je l'entends, ce n'est pas Amarcord que j'écoute ni même le cinéma de Fellini, ni le cinéma italien mais tout le cinéma, tout court, tout plein, avec tous ses accents, tous ses formats, ses acteurs, ses couleurs...

Alors le fait de ne pas avoir aussi fortement apprécié cette revoyure me chagrine quelque peu. Comme un rendez-vous manqué. Vivement une autre fois, un autre Amarcord, pour retrouver le goût du 10/10.
Alligator
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le 16 avr. 2013

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Alligator

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