L’animation française va toujours aussi bien : Ugo Bienvenu, qui passe au long métrage à la suite d’une carrière déjà fournie dans les courts, les clips, le design et la bande dessinée, y fait une entrée remarquée avec Arco. Le film, par sa simplicité même, est particulièrement ambitieux, puisqu’il renoue avec les longs métrages d’antan, par la ligne claire de son animation 2D et un récit à hauteur d’enfant destiné à un public familial, à l’inverse, par exemple, du très réussi Mars Express sorti il y a deux ans.
Il faut oser jouer sur ces terres qui semblent réservées à la nostalgie d’un âge d’or, où l’on convoque le design faussement naïf de Moebius, le récit initiatique à l’abri du monde des adultes d’E.T. ou la beauté contemplative de Miyazaki. Les influences, aussi dévorantes soient-elles, n’empêchent pas Arco de développer sa propre trajectoire, où l’on suit le sillage d’un arc-en-ciel pour traverser les époques, et explorer deux futurs distincts, 2075 et 2932. La première originalité du récit consiste à ne pas laisser le catastrophisme ambiant contaminer les prospectives. Bienvenu imagine des époques dans lesquelles la porte reste ouverte sur l’habitabilité du monde, et travaille avec raffinement une pluralité de décors où la technologie cohabite avec la nature, avec un sens de l’équilibre familier des films Ghibli. Les très beaux plans d’ensemble jouent sur une complexité plutôt fine, les éléments poursuivant leur révolte (tornades, incendies), tandis que les coupoles protègent les habitations, le récit s’articulant sur des voies de secours (le ciel strié par les êtres volants, la caverne où l’on écrit l’histoire d’un monde en train de disparaitre) qui murmurent avec une certaine inquiétude l’instabilité générale.
Bienvenu sait parfaitement incarner ses personnages, et donne aussi bien vie à une jeune fille (très belle séquence où elle se relève pour regarder Arco, et où le regard change sur elle) qu’à un robot, ou un trio comique apportant l’équilibre des tonalités.
L’écriture reste certes un peu relâchée sur certains arcs, et peine par instant à mener de front certaines irruptions (le petit voisin d’Iris, par exemple) ou les motivations de quelques personnages secondaires. Mais la jolie séquence sur le langage des oiseaux, la fuite dans l’école, où la bande traverse une galerie de dioramas modernisés, et le fait qu’Arco se perde en ayant voulu voir des dinosaures expliquent en un sens l’essentiel : au-delà des quêtes conventionnelles, le film s’interroge surtout sur la capacité à voir l’autre, et à s’ouvrir à la beauté d’un monde encore autour de soi. Pour, peut-être, tout faire pour le préserver, en le laissant en jachère, et en l’honorant par le dessin.
(7.5/10)