J'avoue que ça m'ennuie toutes ces critiques de puristes.
Moi aussi j'ai lu et adoré les albums d'Astérix du temps de Goscinny, c'était le top, génial, drôle, on peut encore les lire et les relire sans cesser de rire et d'apprécier. Oui, c'était ça l'origine des aventures de notre Gaulois préféré et elles resteront incomparables à tout ce qui a suivi depuis.


Tout le monde est d'accord pour dire que même avec ses scénarios, les albums publiés après sa mort avaient perdu de leur superbe, il manquait toujours quelque chose, le petit plus de la conception. Et puis quand Uderzo a été à cours de scénarios de Goscinny, là, ce fut, tout le monde l'a cru, la fin d'Astérix. Il n'était plus que l'ombre de lui-même (repensons à cette horrible BD avec cette histoire d'aliens), même les dessins étaient devenus moches, sans vie. On criait de partout que le nom d'Astérix ne voulait plus rien dire, sinon gros succès et profit assuré. C'était la honte, c'est vrai.


Mais Astérix s'est tout de même relevé, depuis que des scénaristes intéressants, des jeunes comme Ferri et Astier, se sont engagés dans la course.
Non, certes, Astérix n'est plus tellement lui-même. Il a changé et il faudra s'y faire: il ne redeviendra jamais plus comme avant.
Mais tant mieux! S'il redevenait comme avant, cela voudrait dire qu'on copie Goscinny tellement bien que l'original n'avait rien de si unique, de si exceptionnel. Cela voudrait dire que ces si bons albums, qui ne vieillissent jamais, pourraient être oubliés comme des vieilles choses qu'on peut remplacer par de meilleures qui parlent d'actualité. Et non: les Astérix de Goscinny et Uderzo ensemble resteront toujours un modèle merveilleux de BD intelligente, réfléchie, bien faite, aussi agréable à regarder qu'à lire.


Mais! Je trouve ça chouette que de jeunes scénaristes sympas se soient emparés d'Astérix. Regardez tous les trucs qui ont eu du succès: les superhéros, Lucky Luke, Mickey, Donald etc., Madame Bovary, les Misérables, les romans à succès, King Kong, les contes de fée, la mythologie même (bon je vais pas tout citer parce que c'est impossible et ce serait chiant).


Depuis toujours, ce qui fait qu'on peut continuer d'apprécier et de juger une oeuvre, sa grandeur et sa vie, c'est qu'elle soit reprise, remaniée, transformée par les générations suivantes.


Certes, l'album de Ferri ne cassait pas du grain et hésitait trop (sans doute impressionné par Astérix) entre la copie et la création. Il n'a pas osé être lui, c'est dommage, il fait des trucs très chouettes, j'aime beaucoup ce scénariste.


Mais arrêtons de casser du sucre sur le dos de ce pauvre Astier sous prétexte qu'il ne fait pas du Goscinny! Oui, le Secret de la potion magique, c'est du Kaamelot autant que de l'Astérix, oui, c'est son humour à lui, oui, c'est sa façon d'effacer les personnages principaux pour rendre hommage à un ensemble, une communauté inoubliable que tout le monde aime autant que les héros (petite, j'adorais déjà les personnages secondaires d'Astérix et regrettais qu'on ne les voit pas plus), et oui, on peut y voir si on a envie des problématiques de la société actuelle.


Mais évidemment! C'est un auteur d'aujourd'hui! Et c'est un auteur, pas un copieur!
Ce qui faisait que les Astérix d'après la mort de Goscinny avaient lamentablement foiré, c'était justement ça: on voulait le copier, ça donnait de la merde.


Ce qui fait que les Astérix d'Astier sont sympas, c'est que ce ne sont pas des copies: ce sont des créations. On devine qu'il a lu et aimé Astérix étant petit, comme nous. On devine qu'il l'aime encore et que porté par ce qu'il aime, il crée. Et c'est très bien! D'abord il respecte la matière, admire l'original, ne veut pas le déformer: ses Astérix sont agréables à regarder, l'esthétique est respectée: la forme est nouvelle mais ne dénature pas les personnages.


Car si ce n'était pas lui qui avait repris Astérix, qui l'aurait fait? Est-ce que ça aurait été mieux?
Rien ne nous assure de cela, au contraire, on a vu si souvent Astérix dénaturé, mal dessiné, se transformer en vendeur de billet de cinéma ou de BD ou de mugs qu'on devrait se réjouir de le voir redevenir un personnage vivant, même s'il change un peu de personnalité.


Pour ma part, j'aime beaucoup Kaamelot, alors cela ne m'a pas dérangé d'entendre les trompettes sonner, les voix de mes héros/chevaliers devenir les voix de mes gaulois fous. Cela m'a même beaucoup plu, j'ai apprécié, cela m'a fait sourire, j'ai trouvé que ça leur allait bien. Finalement, Kaamelot et le village gaulois ont beaucoup de choses en commun: ce sont des fous qui ne demandent qu'à continuer à faire leurs occupations de fous, des fous ordinaires (ai-je envie de dire), des fous comme tout le monde (en plus évidemment drôles).
Astérix, avant, comme maintenant, grâce à Astier, nous permet de rire du quotidien, des gens qui nous entourent, de notre famille, de nos collègues, de notre société, sans être vraiment méchants, juste un petit peu vilains, et un petit peu intelligents.


Il nous donne des vrais bons sentiments (je ne parle pas de ces trucs d'église): le rire, l'auto-dérision, et aussi, le sentiment, ordinairement détestable, de faire partie d'une société dans laquelle nous évoluons, qui nous construit et que nous construisons aussi, pour laquelle nous devons agir, et aussi faire des compromis.
Le sentiment que la société, c'est pas tellement l'énorme masse dont on nous parle tout le temps, l'Etat, les millions de français: l**e sentiment que la société, c'est moi, c'est mes amis, c'est les gens que je connais, c'est nous.** C'est plutôt sympa comme démarche, car je dois avouer que dans ma vie quotidienne, je n'aime pas y penser:
En général, penser à la société me décourage: je regarde l'état de l'environnement, le peu de réflexion avec lequel tout fonctionne, que ce soient les individus ou l'Etat... Je deviens fataliste, je me dis, "A quoi bon? à quoi bon me bouger à espérer faire changer les choses, à quoi bon réfléchir, essayer de faire réfléchir les autres, essayer de trouver de nouvelles idées, alors que tout fout le camp?"
Je regarde ma fille qui grandit et je me demande dans quel monde elle vivra, et je sais que ce sera dans le monde que nous n'aurons pas réussi à ne pas pourrir. Bref, je deviens fataliste et pessimiste: tout semble joué d'avance, et certainement pas pour le mieux.


Mais voir un Astérix d'Astier, comme voir Kaamelot, malgré la dose de fatalisme qui se cache aussi derrière (Panoramix est vieux, il va bientôt mourir et la survie du village sera mise en péril, peut-être mourront-ils tous; le roi Arthur ne peut pas aimer et avoir d'enfant et la survie de Kaamelot est menacée par ce problème qui le plombe), malgré cette grosse dose de fatalisme, on vit, on fait des bêtises, des folies, on se fait plaisir, on rit, on se dispute, on s'amuse, on se bat, on fait toutes les choses de la vie qui rendent la vie charmante, chacun est soi-même et cela donne le meilleur au milieu du pire.
Car oui, c'est ça aujourd'hui la vie: être nous-mêmes et faire au mieux alors que nous savons que tout s'écroule autour de nous, que tout va sûrement s'écrouler. Faire au mieux: faire ce pour quoi on est fait, ce qu'on aime (penser à soi), en faire profiter les autres et essayer d'être aimable avec eux, essayer de rire de leurs travers plutôt que de leur rentrer dedans. Et essayer de trouver des solutions pour le lendemain qui s'annonce cataclysmique.
Espérer, en voyant grandir les enfants. Penser à eux, agir pour eux.
Astier nous redonne le sourire, du courage et de bonnes pensées, des pensées vitales. L'intelligence de vivre.


Cet Astérix me plait. J'espère que ce seront des mecs comme Astier qui continueront d'assurer l'avenir de ce héros qui faisait partie de mes préférés dans mon enfance, et dont je déplorais la descente au supermarché.
Des scénaristes jeunes, qui réfléchissent et cherchent à faire quelque chose de bien.


Non, ce n'est plus du Goscinny, oui, c'est toujours commercial (ben c'est le succès et la puissance de Goscinny qui l'a rendu commercial à l'origine) dans la mesure où faire un Astérix, c'est aussi se faire du blé, mais je préfère voir ce blé partir dans la poche d'un Astier qui crée des productions réfléchies et aimables, que dans celle d'un crétin au rire seulement lourd, gras, avec ce fond de réflexion faiblarde, petite bourgeoise, qui pense au confort, à ses petits problèmes merdiques de vieil égoïste refoulé, frustré, vindicatif et faussement bon, et salement français comme on voit trop souvent dans le cinéma français.
Astier au moins, il fait pas du fric pour avoir du fric, mais pour se donner les moyens de créer d'autres choses. Et lui il réfléchit.

VioletteArdloch
8
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le 9 avr. 2019

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