Au fond, James Cameron est un réalisateur qui me fascine. Certains de ses scénarii sont assez simples dans l'esprit ; sa mise en scène est tout à fait classique ; la morale qu'il développe peut quelquefois s'avérer un petit peu candide. Et pourtant, quelque chose le démarque profondément de n'importe quel réal cynique de blockbuster : Cameron a la foi. Foi en l'univers qu'il créé, foi en les effets spéciaux toujours plus déments qu'il déploie, foi en ces mêmes scénarii que certains (dont moi) considèrent comme sa faiblesse.


Pour reprendre pour ceux qui se sont endormis au fond, Jake Sully a "vaincu" l'armée des humains à la fin du premier film et, devenu un Na'vi, fonde une famille avec Neytiri, composée de ses enfants propres ainsi que de Kiri, fille de l'avatar de Grace Augustine (Sigourney Weaver) pourtant morte dans sa forme réelle. Côté humain, le MECHANT colonel Quaritch renaît, "sauvegardé" comme ses compagnons dans une forme Avatar, décidé à en découdre et à enfin neutraliser Sully. Acculés et mis en danger, Sully et sa famille s'exilent auprès des Na'vi de l'eau dans l'espoir d'y vivre paisiblement. Qu'ils croient ...


Bon. Au delà du côté très "Geronimo s'exile chez les Maoris" (cf. les tatouages rituels des Na'vi de l'eau), Avatar 2, que j'ai vu en 3D HFR, est un spectacle visuel hors norme, une beauté quasi magique qu'on ne peut pas regarder sans rester bouche bée. On n'a pas assez d'yeux pour contempler la faune vertigineuse, virevoltante, explosant de couleurs et de mouvements. La beauté des effets spéciaux est renforcée par la profondeur totalement maîtrisée que propose la 3D. ET PUIS L'EAU, L'EAU ! C'est incroyable de voir à quel point nous sommes parvenus à rendre l'eau aussi fluide en numérique, alors que les liquides sont normalement une plaie à rendre plausible avec ce procédé. Chapeau l'artiste CGI. Les scènes dans l'eau sont poétiques et pourtant bruyantes de beauté, et que Cameron s'attarde sur cette partie du film m'a particulièrement réjoui : on découvre une faune de Pandora encore inconnue, et à la richesse tout aussi nécessaire à défendre ; et, en parallèle, on pense s'être installé dans une (fausse) situation de sûreté. Clairement, c'est une immense expérience cinématographique. Aussi, si jamais un spectateur légèrement flemmard sur les bords venait à lire cette critique : n'attendez pas le Blu-ray, son arrivée sur Disney+ ou que sais je. ALLEZ LE VOIR EN SALLES.


Au delà de ça, le scénario, qui est solide puisqu'il demeure relativement simple, donne quand même une impression de déjà-vu quand on est habitué aux blockbuster. Les deux plans un peu lourds entre le fils de Sully et la fille de l'autre clan, en particulier : si vous avez pas compris ce que ça signifie, vous devez soit vous être endormi ou avoir trois ans, au choix.

Aussi, quand Lo'ak, le cadet de la famille Sully, rencontre le tulkun (une espèce de baleine) Paria de son groupe et que cette dernière lui explique qu'elle avait été attaquée par un baleinier, et que dès la scène suivante on voit le baleinier en question lorsque Quaritch le réquisitionne, on crame de suite ce qu'allait être en partie la scène finale.

Miles Quaritch devenu Na'vi et sa relation avec son "fils" Spider, humain mais habitué aux coutumes des autochtones, est très intéressante mais insuffisamment travaillée. Pourtant, il y avait plus à travailler :

le fait que Quaritch refuse, lors de la scène finale, de laisser tuer Spider montre un caractère de protection paternelle qui rend son personnage moins noir. Aller plus loin et faire de Quaritch un homme déterminé, quelquefois violent mais protecteur envers sa famille aurait pu donner un axe intéressant, une forme d'alter-ego à son ennemi Sully et un caractère moins manichéen. Elle aurait donné plus d'explications au fait que Spider décide de sauver Quaritch de la noyade alors que le mec a auparavant cramé des villages de Na'vi par pur déferlement de haine.

Le fait, aussi, que Quaritch soit devenu biologiquement le personnage même qu'il hait de toutes ses forces est passionnant et aurait mérité d'autres questions ; les autres Marines le considèrent ils comme l'un des leurs ? Et puis, se considère t-il intérieurement comme un Na'vi, ou avant tout comme un Marines qui s'est trouvé s'être réincarné en autochtone ? C'est les questions habituelles qu'on peut se poser si l'on est réincarné : est-on réellement soi, ou étranger à soi-même ?


Avatar 2 est au fond une continuation logique des thèmes précisés dans le premier volet, avec la même forme de candeur. A un détail près : Jake Sully ayant désormais fondé une famille avec Neytiri, le thème de la famille devient logiquement prédominant. Cela ne me dérange absolument pas en tant que tel ; mais la simplicité des formules comme "Le rôle d'un père est de protéger", la place de plus en plus effacée de Neytiri, amazone bleue devenue bonne mère de famille, le développement inégal des enfants de Jake et donc de mon attachement à eux abîme un avantage évident de Cameron, qui était un changement de thème par rapport au premier volet.


Les questionnements environnementaux aussi sont quelque peu décevants. Ne pas détruire la Nature, ou c'est la Nature qui nous détruira, et nous devons rester humbles devant elle ; le lien avec une divinité réunissant tout le vivant et vers qui l'énergie des êtres revient à la mort, comme un grand flot de la vie ; cet esprit très animiste, et donc lié viscéralement à une nature transcendante, était déjà abordé, frontalement, dans le premier Avatar, et ne change pas fondamentalement lors du second opus. Le problème étant que ces questionnements donnent des réponses simples : si les baleiniers tuent des tulkun, c'est pour l'appât du gain que représente une partie de leur cerveau, utilisé comme liquide anti-âge surpuissant. Cette partie du film est représentée par un chasseur de baleines au demeurant très caricatural, et ne pose même pas la question : pour qui ? Parce que la crème anti-âge vendue à 80 millions de dollars, d'accord, mais clairement pas au bénéfice d'un loquedu ; la destruction de la nature ou des espèces, comme toujours, n'est pas forcément causée par toute l'humanité, mais par une partie qui créé une demande aussi destructrice.


C'est là que j'en viens à la critique principale du film, c'est-à-dire le côté politique et environnemental que voulait insuffler Cameron à cet opus. Dans les films Avatar, notre Terre est déjà en fin de vie et l'Humanité cherche à se sauver en faisant de Pandora une terre promise (la question coloniale est déjà sous-jacente aux deux films) . Mais le sous-texte est évident : Pandora représente notre relation à notre propre planète Terre. Sur ce point, Cameron avait déjà clivé dans le premier film : l'extractivisme minier était la cible de sa critique. Le second opus cible particulièrement la chasse à la baleine de manière presque criante.


Mais Cameron n'attaque pas l'hydre dont tous ces problèmes sont des têtes différentes, l'appât du gain, lui-même issu de la volonté de pouvoir si propre à l'espèce humaine ; en cela, malgré son point de vue bienvenu, Cameron pèche lorsqu'il veut apporter des réponses à notre monde contemporain. J'attends pas de lui qu'il fasse partie d'Extinction Rebellion ; mais pour autant il développe insuffisamment le fond de la critique, à qui dans l'Humanité profite le crime écologique et l'accaparement des ressources autochtones : à ceux en quête de richesse, ou qui sont déjà riches, ou qui sont avides de pouvoir. Nous ne pouvons pas non plus atteindre l'idéal des Na'vi que serait la nouvelle communion avec la Nature : quelle partie de notre monde n'a t-elle pas déjà été polluée par nous ? Depuis les tréfonds des abysses au plus haut du ciel, les carcasses de satellites, le microplastique, les produits chimiques ont déjà touché toute forme de vie ; qu'est-ce qui reste, chez nous, de cette nature primaire à défendre ? Comment alors comparer les deux planètes bleues ?


Après, je ne veux pas être pessimiste, Cameron a probablement toute une floppée de films pour peut-être développer les questions écologiques, coloniales, économiques (l'unobtainium, minerai essentiel pour lutter contre la crise écologique sur Terre, est un point important du premier film, absent du second ; pourquoi ?).


Et puis, si ma critique est de prime abord négative (alors qu'elle ne l'est pas, je lui ai mis un 7), c'est surtout parce qu'un élément en particulier a joué : le temps.


J'avais neuf ans quand j'avais vu le premier Avatar. J'étais ébloui par le film, la nature luxuriante, sa beauté, sa fragilité aussi, face aux assauts de l'homme et de sa soif de richesses ; je pense que c'était le premier film écologiste que je voyais réellement (et mon meilleur, jusqu'à ce que je tombe sur Princesse Mononoké). Les années ont passé. La conscience écologique se forme ; mais Avatar 2 ne vient pas, toujours pas, jamais ; on l'attend sans y croire. Quand il arrive, à point nommé, notre planète semble déjà au point de non-retour du premier film. La critique écologiste s'est faite plus forte, plus bruyante, mais dans le passage des années le message d'Avatar change peu. L'attente du film a toujours plus creusé mes attendus de ce qu'il apporterait. Et, au final, la beauté débordante, presque irradiante de ce film lumineux a en partie compensé mes espoirs d'un message-coup de poing finalement doux comme une caresse.

Créée

le 19 déc. 2022

Modifiée

le 19 déc. 2022

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