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Bugonia
6.9
Bugonia

Film de Yórgos Lánthimos (2025)

Teddy et son cousin Don sont persuadés que la fin du monde est imminente.

Bien qu'ils ne doivent pas avoir complètement tort, ils ne sont pas particulièrement futés, surtout Don atteint d'une légère déficience mentale et tout dévoué voire manipulé par son cousin Teddy. Apiculteurs à leurs heures perdues, ils prennent grand soin de leurs ruches et sont convaincus que des extraterrestres qu'ils nomment andromédiens vont détruire la Terre. Selon Teddy, Michelle Fuller PdG de l'entreprise pharmaceutique (une femme puissante comme dirait Léa Salamé) dans laquelle il travaille est une de ces aliens chargée d'anéantir la planète. Pour sauver l'humanité, ils organisent son enlèvement. Sauf que la fluette dame, juchée à douze centimètres du sol sur ses Louboutin a deux rituels matinaux avant de se rendre dans ses bureaux : une séance de yoga suivie d'un entraînement de self défense (ou tout autre machin qui fait qu'il ne vaut mieux pas s'y frotter). Dissimulés derrière des masques à l'effigie de Jennifer Aniston (qui a donné son accord) les deux lascars capturent Michelle qui ne se laisse pas faire, compte tenu de ses entraînements. La scène est hilarante.

Arrivés dans leur maison perdue au milieu de nulle part, charmante en apparence mais complètement à l'abandon, ils séquestrent la jeune femme, lui rasent la tête car selon Teddy ce serait grâce à ses cheveux qu'elle communiquerait avec sa planète (de la Galaxie d'Andromède), la couvrent de crème antihistaminique et l'enchaînent au sous-sol. Ils n'ont que trois jours avant une éclipse lunaire pour convaincre Michelle de contacter son Empereur et obtenir une audience.

Michelle n'aura de cesse de nier, de parlementer et de tenter de convaincre les deux hommes.

Ce qui s'ensuit n'est absolument pas révélable tant les surprises et les changements de cap ne vont faire que se succéder. Vous l'avez compris, après un embarrassant (et donc une déception puisque je suis Lanthimosophile) Kind of kindness, je suis complètement mais alors COMPLETEMENT entrée dans le nouveau délire du réalisateur grec qui une fois de plus utilise sa muse Emma Stone (quatre films ensemble quand même) dont il exploite à nouveau le corps élastique et pour la deuxième fois Jesse Plemmons qui (malgré une regrettable pénurie de shampoing pendant le tournage) est tout aussi génial que sa partenaire. Le troisième personnage, l'acteur Aidan Delbis atteint de trouble autistique est très touchant.

J'ai effectué quelques recherches à propos du titre. Comme j'entendais les autres spectateurs annoncer BEGONIA en demandant leur ticket... j'ai pensé qu'il s'agissait de la fleur et que j'avais mal lu le titre sur l'affiche (penser à prendre confiance en toi). Que nenni, il s'agit bien de BUGONIA et (merci wiki) : La bugonia ou bougonie, du grec βοῦς (bœuf) et γονή (progéniture), littéralement «progéniture du bœuf», est un rituel sacrificiel rapporté par divers auteurs de l'Antiquité et attribué aux anciens égyptiens fondé sur la croyance que les abeilles peuvent naitre du cadavre d'un bovin. S'il est question d'abeilles à trois reprises, cela ne nous aide pas à comprendre le nouveau délire de Yorgos mais au moins désormais nous tenons l'étymologie de bugonia ce qui peut être une occasion de briller dans les dîners en ville ou au Jeu des mille euros.

Cela étant dit, que dire de plus. Que oui une nouvelle fois un film de ce réalisateur est inconfortable, qu'il n'est pas fait pour tout le monde malgré une réalisation impeccable, une interprétation haut de gamme, une musique (comme chaque fois) ample, extravagante, voire tonitruante par instant, quelques moments gores (inévitables chez ce réalisateur), un personnage de flic inutile (quoique la scène soit croquignolesque), quelques longueurs peut-être mais jamais synonymes d'ennui... mais que je trouve ce cinéma indispensable parce que différent, assaisonné avec parcimonie d'humour (noir bien sûr) et de réflexions sur la mauvaise marche du monde qui court à sa perte. Et parce que certaines scènes élèvent le niveau comme ce repas où l'échange d'idées entre Michelle et Teddy fuse, entre complotisme et réflexions écologiques et où on ne sait plus qui est le manipulateur du ou de la manipulé(e). C'est brillant, acerbe, ironique, profondément intelligent.

On peut "traiter" Lanthimos de misanthrope, de développer sans cesse sa haine de l'humanité mais sans doute est-il simplement lucide et clairvoyant et que l'homme ne vaut peut-être pas la peine qu'on le sauve de l'anthropocène qu'il a générée.

Et puis il y a ce twist hallucinant, à tomber par terre que je n'ai pas vu arriver, suivi par un final grandiose, absolument génial, sublime, inoubliable, à la fois d'une violence épouvantable et d'une douceur spectaculaire. Pendant le générique de fin, je me suis retournée vers mon voisin pour lui dire : "c'est trés doux"...

Et soudain, Marlène... https://youtu.be/-9t7LbNpQcE

N.B. : Pour les besoins du film, Emma Stone s’est réellement fait raser la tête (ça lui va très bien, note de moi-même) devant la caméra. Ce n’est donc pas une prothèse qu’elle arbore à l’écran. Quelques instants avant le tournage de cette scène clé, l’actrice a également manié la tondeuse mais cette fois pour raser le crâne de Yorgos Lanthimos.

LaRouteDuCinema
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il y a 5 jours

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