Cédric Jimenez aime filmer des flics qui avancent dans des couloirs, l’arme au poing, dans des plans séquences dynamiques. Il cherche donc, sans difficulté, des intrigues où placer ce genre de scènes. Après avoir investi Marseille dans Bac Nord, puis la capitale dans Novembre, le cinéaste se propulse dans un futur dystopique, transformant Paris en une sorte de déclinaison de Blade Runner où les flics enquêtent sur des meurtres aux ramifications forcément multiples.
Chien 51 est une adaptation du roman de Laurent Gaudé, mais n’en garde finalement que quelques motifs : la ville zonée par une ségrégation sociale, le verrouillage de deux flics forcés de collaborer, et c’est à peu près tout. L’enquête n’a rien à voir avec le récit d’origine – ce qui n’est pas forcément mauvais signe, dans la mesure où c’était l’un des romans les plus faibles de son auteur. La nouvelle itération proposée n’en reste pas moins tout aussi indigente, cochant paresseusement toutes les cases d’un cahier des charges dénué de toute surprise, où l’on finira, croyez le ou non, par nous avertir sur les dangers de l’utilisation intensive de l’IA.
On pourrait très aisément dézinguer sans concession aucune ce blockbuster local, en fustigeant l’absence d’alchimie entre des personnages à peine esquissés, le défilé fade de stars engagées pour rendre le projet bankable, la lourdeur de certains dialogues, l’inventivité si limitée pour représenter les simulations de l’IA et le sentiment général d’une vanité stérile à 50 millions d’euros.
Ajoutons à cela une frustration devenue assez rare : celle d’avoir le sentiment d’être face à la version trop courte d’un film, qui aurait largement mérité 20 minutes supplémentaires pour étayer certains de ses éléments, de caractérisation des personnages, voire simplement de liant entre des séquences qui se succèdent sans qu’on puisse leur accorder une véritable crédibilité. C’est d’autant plus regrettable que le personnage incarné par Gilles Lellouche, clébard torturé des bas-fonds, donnait à voir une partition plus sensible dont on sait l’acteur capable, mais qui n’a pas le temps d’être développée.
Il reste que si Cédric Jimenez aime filmer les flics qui avancent dans des couloirs, c’est parce qu’il sait qu’il a un certain talent pour le faire. Le dynamisme de sa mise en scène continue à convaincre, que ce soit dans sa façon de suivre les véhicules se pourchassant dans la capitale, une traque par drone assez efficace, et un plaisir dans le filmage en immersion au sein d’un décor urbain saturé. Car sur le plan de la direction artistique, le film tire également son épingle du jeu. À l’exception de quelques plans numériques peu convaincants, le lifting imposé à la capitale fonctionne plutôt bien dans un savant mélange d’ancrage réaliste et d’extensions lumineuses, de pierre et de technologie. La variété des espaces (night-club, locaux industriels, ville musée repliée sur elle-même) fait l’objet d’un travail minutieux, qu’on retrouve également dans les accessoires et les costumes qui constituent une jungle urbaine à la fois futuriste et décadente. Pour son prochain film, on veut bien que Jimenez continue à filmer des flics qui avancent dans des couloirs, mais s’il pouvait faire écrire leurs aventures par quelqu’un d’autre, ça éviterait à ses protagonistes de tourner en rond.
(4.5/10)