J'ai découvert ce film diffusé hier sur arte (merci à eux) et c'est à mon humble avis un chef-d'œuvre. Il faut totalement mettre de côté toute tentative de réalisme ou de vraisemblance ici; on est dans un univers qui est très proche de la tragédie antique et de Racine. Je comprends l'avis des détracteurs qui trouvent le texte du film empesé. Mais ici le vocabulaire utilisé est d'un raffinement total : Bouquet parle une langue classique mais non précieuse, comme chez Rohmer, d'un autre monde, que je dirais aujourd'hui perdu. Qu'on ne se trompe pas de sujet : il s'agit d'une histoire de fantôme, au sens japonais du terme. Bouquet revient hanter Berling et tous ses proches. Il existe à peine, mais son pouvoir est terrifiant. Pendant tout le film, il semble errer, flotter et le talent d'Anne Fontaine a été de rendre sa possession des êtres et des lieux par le silence et sa seule présence sourde. La photographie renforce cette idée que l'on est ici dans les limbes ou plutôt dans le royaume d'Adès ou cet entre-deux des Yurei japonais, les âmes errantes où tout reste dans l'ombre, comme dans "L'amour à mort" de Resnais. La fin du film donne la clé de ce monde : Berling, attérré, est derrière la porte; Bouquet lui supplie d'ouvrir. Sans qu'il y aie le moindre plan de coupe qui le montre ouvrir ou passer d'une pièce à l'autre, ni de changement de présence sonore, Berling se retrouve derrière lui et prend son visage comme Liv Ullman avec Bibi Anderson dans "Persona" de Bergman. Question : que devient-on quand on touche un fantôme ?


Berlin-im-Licht
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le 12 août 2025

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