Qui est le film ?
Quatrième volet de la saga Conjuring initiée par James Wan, ce nouvel épisode réalisé par Michael Chaves prétend clore le récit d’Ed et Lorraine Warren. La promesse est double : un retour aux fondations « classiques » de la franchise (maison hantée, enquête démonologique) et un geste de conclusion mythologique. En surface : hantise, foi, combat final. Mais la fatigue d’un modèle usé depuis plus d’une décennie plane déjà avant même l’ouverture du récit.

Que cherche-t-il à dire ?
Le film semble vouloir redevenir sérieux : renouer avec une théologie de la peur plutôt qu’un carnaval de jumpscares. Il vise une horreur sobre, centrée sur la transmission familiale et la vulnérabilité intime. Conjuring 4 ambitionne d’être un retour à l’incarnation, à l’angoisse par l’attachement et non par le sursaut. On devine l’intention mais cette intention restera plus déclarative que ressentie.

Par quels moyens ?
L’hystérie visuelle de La Nonne 2 ou The Curse of La Llorona est ici atténuée. Le montage est moins frénétique, les cadres moins tordus. Ce calme retrouvé promet un film plus contrôlé mais il débouche surtout sur une image sans nervosité ni tension réelle. Rien ne bouge dans la grammaire. Même rituel, même structure, mêmes étapes connues par cœur. Or, sans variation dans la forme, le film épouse mécaniquement un héritage qu’il ne pense jamais. Ce classicisme est une inertie.

La terreur ne naît jamais ni par la montée atmosphérique, ni par le choc soudain. Tout est attendu. Les effets arrivent exactement à la seconde où on les devine. Le film se regarde comme un logiciel qui déroule une partition acquise.

Là où les deux premiers films s’attachaient longuement aux familles possédées, Conjuring 4 ne prend pas le temps d’ancrer ceux qui devraient porter la peur. Sans figures menacées, rien ne vibre. Personne ne fait face à l’horreur : on l’observe comme un décor.

Le démon n’existe pas comme présence. Il se réduit à un miroir, parfois entité, parfois simple médium. Aucun corps, aucune mémoire, aucune identité. On est à l’opposé de Bathsheba ou de Valak : il n’y a ici ni visage, ni menace.

Les véritables protagonistes ne sont plus les Warren mais leur fille Judy et son compagnon, clairement désignés comme possible relai. Le « dernier Conjuring » prépare en réalité le prochain. Et la seule image lucide arrive… dans le carton de fin, reconnaissant timidement que les vrais Warren étaient surtout des fraudeurs. Trop tard.

Où me situer ?
Je ne déteste pas le film, c’est presque pire : il me laisse indifférent. Là où Conjuring 3 irritait par ses excès, celui-ci échoue par affaissement. J’y vois moins un ratage violent qu’un épuisement résigné. Je perçois la tentative de sobriété. Je reconnais l’effort de retirer le bruit. Mais rien ne vient remplir ce silence.

Quelle lecture en tirer ?
Conjuring 4 manifeste une évidence : quand l’horreur oublie de nommer clairement ce qui est en jeu, elle ne fait pas peur. Ce n’est pas son absence de violence, ni même de nouveauté, qui pose problème : c’est l’absence d’incarnation. Ce qui reste, en fin de séance, c’est l’impression d’une saga qui s’auto-entretient, sans plus rien désirer d’autre que sa propre continuité. Un film qui n’est déjà plus une œuvre seulement un rouage.

cadreum
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