“Vive le cinéma !” hurle Quentin Tarantino, le poing levé, à l’avant-première de Django Unchained au Grand Rex, avant d’ajouter : “Are you ready to see some badass shit ?“. Ces deux exhortations sont au coeur même de la signature Tarantino : un lâchage jouissif de violence esthétique doublé d’un amour déraisonnable pour ce que le cinéma mondial a produit depuis des décennies. Plus que n’importe laquelle de ses productions, Kill Bill 1 & 2 étaient représentatifs de ce phénomène, gigantesque relecture des films d’action ou animés japonais, des films de kung-fu Honk-Kongais, du suspense Hitchockien ou encore des Western Spaghetti.

Ce dernier genre, particulièrement affectionné, trouvera un nouvel écho dans Django Unchained qui lui est entièrement dévoué. Close-ups sur les pieds des personnages, mouvements de caméra, mais aussi costumes et codes couleurs sont autant d’hommages à la filmographie de Sergio Leone et consorts. Des grandes étendues dépeuplées aux petites villes dont l’essentiel de l’action se déroule au Saloon, de la chaleur étouffante du désert aux neiges du Montana (?), le film explore les Etats-Unis, et pas seulement à l’Ouest. Car l’essentiel de son action ne se déroule pas au Texas ou au Colorado mais bien dans les plantations cotonnières du Sud esclavagiste. Nous sommes en 1858, près de deux ans avant la Guerre Civile opposant le Nord au Sud du pays sur la question de l’asservissement humain, prétexte à hommages divers aux films du genre (Autant en emporte le vent, The legend of Nigger Charley, et… nourrie au feuilleton Nord et Sud dans mon enfance, j’en ai également ressenti de nombreux échos).

Tarantino crée ainsi un film hybride, tout aussi étrange que la vision d’un homme noir à cheval en ce temps. Le personnage de Django est en lui-même un symbole fort, extrêmement représentatif de la nature de l’oeuvre. Jamie Foxx, tour à tour taciturne et bête sauvage, s’affirme et nous émeut presque sans effort. Sa cause justifie les moyens et trouve une adhésion presque sans équivoque malgré le sujet extrêmement sensible auquel le film s’attaque.

Le reste du casting livre une performance tout aussi impressionnante, sinon plus. Si Christoph Waltz n’a pas volé sa nomination aux Oscars pour l’attachant Dr King Schultz, à l’éthique parfois douteuse et aux répliques hilarantes, l’on regrette que Samuel L. Jackson et Leonardo DiCaprio n’y aient pas également eu droit. L’on connaissait déjà le potentiel du premier à se faire inquiétant (Incassable). Quant au second, ses talents d’acteur ne sont plus à prouver et son interprétation de Calvin Candie, bien qu’académique, est, comme toujours, impressionnante. Si DiCaprio ne saura camper un méchant aussi charismatique que l’avait fait, par exemple, David Carradine avec Bill, il a su faire de Candie un personnage fort, et le voir incessamment boudé des Oscars est extrêmement frustrant.

Tarantino impose également le suspense en maître lors de séquences à forte tension, brisée seulement par cette violence revancharde dont le réalisateur est friand. Et comme toujours, il sertit son oeuvre d’une bande originale très personnelle, somptueuse et responsable à elle seule d’une immense partie de l’identité de Django Unchained. Pour la première fois dans la filmographie du réalisateur, certains morceaux (dont Freedom) ont été composés spécialement pour le film. D’autres, nombreux, sont tirés de films de genre (dont d’innombrables références à Django), et souvent composés par Ennio Morricone, figure de proue de l’accompagnement des Westerns Spaghetti.

De la pellicule de Django Unchained transpire l’amour de Quentin Tarentino pour le film de genre. Le réalisateur mélange les styles avec génie pour, une fois de plus, créer une oeuvre épique et émouvante, alimentée par un dynamisme jouissif, et habitée d’interprètes de talent.
Filmosaure
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le 14 janv. 2013

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