"Inspiré de faits réels".
Voilà un carton qui pour un sujet comme celui de La Nuit du douze, un policier, lève étrangement (et fort heureusement) certaines contraintes (il s'agit de cinéma, pas de documentaire). Ouvrant la porte à de la dramatisation exogène, à de la stylisation, dans la forme comme dans les incarnations.
En empoignant cette fois-ci un fait de société, un fait politique, dont le cadavre est plus que jamais encore bien chaud, monsieur Moll, on l'éprouve tout au long du déroulé du film, s'impose ici une rigueur particulière. Lui qui a toujours su, avec son éternel compagnon Gilles Marchand, distiller de subtiles singularités dans la caractérisation de ses personnages, conférant souvent à la plus simple des incarnations une dimension supplémentaire, joue ici clairement d'abord de l'équilibre et de la mesure, déroulant un programme à la pédagogie qu'on pourra juger appuyée, sans être pour autant pesante (le spectateur n'est pas écrasé par les détails de procédure, même si les termes techniques parfois fusent). D'une grande lisibilité. Il s'agit de couvrir le sujet de la manière la plus complète, que la critique ne puisse pas pointer certains aspects où la lumière n'aurait pas été posée. Car si le film n'est pas radicalement à charge, donnant la parole à tous, exposant la complexité du contexte global (et plus qu'au produit de la prudence, on pointera ici l'intelligence de ses auteurs), il a bien son point de vue. Qui s'impose simplement ... par les Faits (qui on l'espère, là, rejoignent le réel).
En découle un film qui, au poids de sa structure définitivement programmatique, pour celui que le cinéma de monsieur Moll, un de nos plus réjouissant artisan du cinéma, depuis ses débuts enchante, déçoit certaines espérances (placées il faut dire très hautes après la réussite exemplaire du douze).
Passé cette relative déception, le film commet objectivement peu de fautes (on est pas certain que le monologue en épilogue s'imposait. Comme celui de la dame de ménage, qui ajoute au Dossier un complément dont rien n'est fait, que le film ne peut pas traiter faute de place). D'une remarquable tenue, en commençant comme chaque fois par son casting (chaque petit rôle semble avoir été pleinement considéré). Madame Drucker, bien que sur-exposée, n'épuise pas son crédit, au produit probablement de son économie heureuse de jeu. La réalisation parfaitement maitrisée, avec une juste tension bien tenue, pour un trame dramatique en définitive assez pauvre en évènements (il n'aurait pas été sérieux de jouer du rebondissement), distribuant de façon fluide scènes d'interrogatoire, descriptions de procédure, phases d'enquête de terrain, et quelques scènes de vie qui trouvent toutes (et c'est peut être trop) une justification; qui complètent ce très gros dossier.
Monsieur Moll, porté probablement par les retours très positifs que lui valurent les marques d'engagement du douze aux combats qui courent, n'a pas eu peur d'affronter ici sujet brulant et bien casse-gueule. En toute intelligence et maitrise de son médium, il livre une copie très propre. Le dossier n'est pas clos mais la mission accomplie.