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Dracula
4.8
Dracula

Film de Luc Besson (2025)

Un pieu dans le coeur de Besson

Allez c'est parti, encore une réinterprétation de Dracula. Il faut dire que nous n’en avions pas eu assez ces derniers temps. Encore une, donc, mais pas n’importe laquelle puisque cette fois, c’est Luc Besson qui s’y colle. Ce bon Luc, empli de malice et d'espièglerie, semble persuadé qu’il suffit d’injecter une pseudo romance tragique et quelques effets clinquants pour redonner du sang à un mythe déjà vampirisé jusqu’à l’os. Verdict contre toute attente : un film raté et sans intérêt, qui ne réinvente rien et se contente de recycler, quand il ne singe pas purement et simplement, les motifs les plus usés, aussi bien du roman de Stoker que de ses innombrables adaptations. Car ici, exit la richesse du matériau épistolaire ainsi que les points de vue multiples et l’étrangeté du récit original. Tout est recentré sur un unique axe. Dracula, figure damnée et mélancolique, n’existe plus que par son désir obsessionnel de faire revivre son amour perdu. Une simplification dramatique extrême, censée apporter de la profondeur émotionnelle mais qui ne fait qu’aplatir le récit et le vider de toute ambiguïté.

Sur la forme Besson tente malgré tout, assez maladroitement, de faire le boulot comme on dit. Certaines armures volontairement fantasques et clinquantes pourront séduire les amateurs de fantasy tapageuse et le château du comte, une sorte de cathédrale gothique hypertrophiée, affiche par moments une ambition visuelle réelle. Mais très vite, l’illusion se fissure et se désintègre. Tout respire la copie et le recyclage sans regard personnel, domaine dans lequel Besson excelle depuis un certain temps. On pense évidemment à Coppola mais de très loin, sans sa flamboyance ni sa folie baroque. C'est simplement de l’iconographie gothique en pilotage automatique.

Ce manque de vision se prolonge dans le choix du décor principal qui voit l'intrigue être transposée à Paris. Une idée potentiellement intrigante sur le papier mais absolument pas exploitée et traitée avec la délicatesse toute relative qui caractérise le réalisateur. La Tour Eiffel est balancée plein cadre, comme pour être sûr que le spectateur comprenne bien où il se trouve. Besson ne filme jamais Paris. La carte postale est obligatoire et l’imagination, quant à elle, reste facultative. Cette absence de subtilité se retrouve logiquement dans l’écriture. La patte Besson est là, reconnaissable entre mille et dans ce qu’elle a de plus fade. Le scénario se concentre presque exclusivement sur la romance tragique tout en essayant de ménager un équilibre artificiel entre humour grand public, horreur édulcorée et scènes d’action peu inspirées et brouillonnes. Rien ne prend vraiment concrètement : ni la tension, ni le spectacle et encore moins l’émotion.

Le problème central réside dans le traitement même de la romance. Elle est totalement viciée dès l’introduction. Besson ne voit que le cul. Il aligne des scènes de sexe sans construction affective ni enjeu émotionnel, comme si l’intimité physique suffisait à créer de l’empathie. Voir des personnages s'embrasser après s'être collés de la bouillie au visage ne crée pas grand chose. Impossible de croire à cet amour éternel qu’on nous vend comme moteur du récit. Le film exige l’émotion sans jamais la mériter.

Du côté des acteurs, ce n'est pas beaucoup plus réjouissant même si Caleb Landry Jones s’en sort étonnamment bien. En effet il parvient à donner une certaine crédibilité à ce Dracula mélancolique malgré un personnage écrit avec de gros traits. Son jeu habité et parfois excessif est sans doute l’un des rares éléments à maintenir un semblant d’intérêt. À l’inverse, Christophe Waltz semble complètement paumé. On a rarement vu l'acteur aussi désintéressé et on sent qu'il se demande ce qu’il fait là, errant dans le film sans direction et sans enjeu, un peu comme s’il avait été téléporté sur le plateau par erreur.

Tant qu'à parler de ce qui ne va pas il faut s'attarder sur les serviteurs du comte, ici de fabuleuses gargouilles numériques affreusement modélisées qui surgissent comme un cauchemar de mauvais CGI. Lorsqu'on découvre de plus qu'elles sont adeptes et qu'elles maitrisent le ju-jitsu brésilien on bascule dans le nanar absolu. Un régal ! Comme si l’idée n’était pas déjà suffisamment merdique, le scénario ajoute une couche de pathos bien gras en révélant qu’il s’agissait en réalité d’enfants captifs. Quel salaud ce comte ! Le genre de twist émotionnel facile qu'on adore. Pas de panique cependant puisqu'une fois délivrés, ils finiront instantanément par se perdre dans la forêt des Carpates gelée et remplie de loups. Merci Luc.

Une cohérence que l’on ne retrouvera pas non plus dans le traitement de la géographie du film. Il fallait bien trouver une explication à ces multiples et brefs allers-retours entre Paris et la Transylvanie. Ni une ni deux c'est chose faite pour Besson qui matérialise lors d'un plan une frontière explicite entre la France et la Roumanie. J'ai failli m'étouffer sérieusement. En réalité tout se traverse sans logique et sans distances. Le monde est réduit à un simple décor interchangeable totalement soumis aux besoins d’un récit bien mal ficelé. Peu importe le sens, pourvu que ça avance. Peut être faut-il voir dans tout ceci une certaine forme de radicalité ? Besson poussant l'absurde jusqu'au bout, répétant les mêmes trajets, les mêmes idées et le mêmes motifs, encore et encore. Le réalisateur devenant une sorte de Sisyphe en roue libre, condamné non plus à faire rouler son rocher mais à refaire éternellement les mêmes mauvais films. C'est beau et puissant.

Cette digression étant faite, Dracula version Besson reste une œuvre creuse et mauvaise. Il n'y a pas grand chose à rajouter. Un film qui vampirise le mythe sans jamais lui redonner ni son sang, ni sa chair.

Zoumion
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Créée

le 15 déc. 2025

Critique lue 5 fois

Zoumion

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