Splendeur et surprise du cadre
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le 3 mai 2017
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La vie de l’anarchiste Sakae Osugi sous le prisme de deux étudiants qui réalise une enquête le concernant.Yoshishige (Kiju) Yoshida est apparu dans les années 60 et incarne un des cinéastes majeurs de la nouvelle vague japonaise tels que N. Oshima, H. Teshigahara, Y. Masumura, entre autres. Il a donc contribué aux bouleversements de l’industrie cinématographique de l’époque ; une fracture s’opère entre autres dans la narration, les thèmes abordés et dans la façon de faire les films, souvent tournés en extérieur avec une équipe réduite, en opposition aux films de studio des années 50.Eros + Massacre est une œuvre titanesque et ambitieuse de plus de 3h30, portant à la fascination par sa radicalité formelle et politique. Grâce à sa liberté de ton, Yoshida propose un état des lieux de la situation et des idéologies politiques qui règnent sur le pays aux temps de la fabrication du film. En mettant en scène la figure d’Osugi et sa pensée, le cinéaste japonais traite de l’anarchisme, des théories de l’amour libre qu’Osugi lui-même appliquait avec ses trois femmes, de l’égalité des sexes et l’émancipation féminine. Osugi va jusqu’à nier le couple et la famille pour les obligations et les codes sociaux que cela implique et représente. Une série de principes qui sont sans conteste à l’encontre de l’état japonais, une audace provenant définitivement du mouvement dans lequel le long-métrage s’inscrit.Le film frôle avec l’expérimental dans ses scènes de fantasme et de nudité, et casse les cadres temporels en mêlant les deux époques, traitées en permanence, notamment lorsque la jeune étudiante interviewe les femmes de l’époque, toutes réunies dans une même séquence, à plusieurs reprises. L’ambiguïté même d’une temporalité identique pour finalement ramener et confondre les problèmes du début du XXe siècle avec ceux de la fin des années 60, sans passé ni présent, n’est pas à exclure. Ajouté à tout cela, maints scènes auront soit des décors très sobres rejetant l’encrage de l’action dans une certaine époque, ou encore les dialogues de personnages supposés du passé filmés à côté d’un escalier mécanique et près d’une identifiable architecture moderne.Eros + Massacre est graphiquement parlant, un travail d’orfèvre de tout instant, particulièrement au moyen de ses nombreuses scènes de surexposition de blanc. Un choix esthétique justifié faisant sens et un parallèle avec le système dans lequel les personnages sont comme emprisonnés. Comme si de ces noirs et blancs saturés, les idéaux défendus n’avaient de chance d’aboutir à l’échelle sociale. On pourrait dire que cette esthétique visuelle prononcée serait une représentation de la société, celle-ci prenant donc la majeure partie du cadre, ne laissant pas leur liberté aux personnages, les écrasant. Le film forme une association d’idées formelles à l’esthétique nécessaire au discours rendant l’œuvre comme un pur objet cinématographique, le cinéma comme unique méthode possible de représentation.
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Créée
le 1 août 2025
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