Le visionnage de Weapons a réellement de quoi décevoir, pas tant par l'attente suscitée par son très moyen film précédent (Barbare) ni l'accueil critique globalement et étonnamment très positif, mais plutôt par les promesses non tenues par Zach Cregger, qui décidément n'a pas grand chose à raconter malgré une technique honorable.
La promotion avait de quoi susciter l'intérêt de par la prémisse et les images laissant présager un film de la trempe des films d'horreur récents, solides au niveau du scénario et de la réalisation (à l'image de Midsommar ou It Comes at Night), l'espoir d'un nouveau joyau du cinéma de genre contemporain. Il n'en est rien.
La narration qui sert d'introduction est déjà problématique puisqu'elle se révélera trompeuse (en énonçant que l'on ne reverra pas les enfants), signalant déjà l'inconsistance d'un projet qui fonctionne surtout sur ses promesses. Suite à la disparition des élèves dans une séquence assez envoûtante, dépeignant l'étrangeté au sein d'une middle class américaine tout ce qu'il y a de plus classique et rassurante, le cadre est posé : il s'agira probablement de l'exploration d'une monstruosité cachée au cœur même de l'American Way of Life, ou comment taper sur certaines valeurs à même de générer une forme d'horreur.
C'est du moins ce que l'on pouvait espérer dans un film qui semble prendre son sujet très au sérieux et va même jusqu'à figurer une arme à feu démesurée flottant au-dessus d'une maison dans une séquence de cauchemar comme pour asséner un propos sur un certain type de violence. Mais de discours critique, il n'y en aura pas, n'en déplaise à une certaine presse qui souhaiterait donner une substance politique ou sociale à ce film, donnant une profondeur intellectuelle justifiant son succès, ce qui est davantage le symptôme d'une critique brassant du vent que d'une véritable intention de Zach Cregger apparemment, car tout ce sous-texte ne sera jamais exploité (comme le thème des tueries de masse, par exemple), laissant là aussi perplexe sur ces évocations thématiques qui, finalement, ne nourriront pas le récit.
La suite du film est une construction chapitrée centrée sur les divers personnages impliqués dans l'intrigue. Ce découpage si particulier est de prime abord intéressant puisqu'il permet de brosser le portrait de ses différents protagonistes, tout en mêlant un peu la temporalité des évènements puisqu'en changeant de personnage on reprend l'intrigue légèrement en amont d'où la séquence précédente s'est terminée. Un dispositif à priori stimulant car il nous fait recomposer la trame de l'histoire et anticiper certains moments de tension. Mais ce procédé atteint rapidement ses limites car les protagonistes sont de moins en moins intéressants (le policier, le junkie, le directeur) et leur implication dans la résolution des évènements de plus en plus superficielle. Si bien que l'effet de redondance fini par lasser, et, plutôt que de l'enrichir, fait alors patiner un récit qui a d'ors et déjà donné les clés de compréhension de ce fameux mystère au bout d'une demi heure, désamorçant trop tôt ce qui faisait le sel du scénario. Nous comprenons vite "qui" et "où", le "comment" et le "pourquoi" occuperont le dernier tiers du film dans une série de clichés ultra pauvres, flirtant avec le ridicule, illustrant bien le manque d'idées derrière le concept initial.
Si certains loueront le changement de ton dans l'une des scènes finales comme un emprunt au cinéma coréen coutumier du fait, on peut malheureusement aussi le percevoir comme un manque de sérieux du cinéaste envers son sujet. Ce changement de ton n'apparaît nulle part ailleurs dans le film, il n'est donc pas constitutif d'une construction dissonante qui alimenterait un parti pris de mise en scène comme déstabiliser le spectateur, mais sonne plutôt comme un aveu d'échec sur la conclusion de son récit. Il vient désamorcer le peu de crédit que l'on pouvait encore accorder à cette mascarade, finissant d'enterrer le peu d'estime que l'on pouvait encore avoir quant à l'aspect technique du film.
Car c'est là-dessus qu'il se défend le mieux. L'ambiance réaliste est parfaitement restituée, et la mise en scène fonctionne bien, offrant quelques scènes d'épouvante correctes (Justine endormie dans sa voiture), malheureusement contre balancées par quelques jumpscares franchement de mauvais goût (Gladys dans la cave). Si la réalisation reste globalement efficace, elle n'en demeure pas moins peu inventive et mémorable pour permettre de passer outre les errements narratifs du métrage, car rappelons que les différents points de vue apportés par le chapitrage n'apportent rien si ce n' est diluer une intrigue qui aurait sans doute gagnée à rester linéaire (j'imagine déjà des remontages dans l'ordre chronologique poindre d'ici peu).
On pourra donc considérer ce film comme une production relativement anodine, une série B assez léchée pour se hisser au-dessus du tout-venant d'un fond de catalogue de plateforme comme Netflix, mais guère plus. Le film ne tient aucune de ses promesses, et tient plus du concept rapidement essoufflé que de la parabole sur la société américaine que certains y voient.