Avec Evanouis, Zach Cregger, révélé par Barbarian, confirme son goût pour une horreur inventive et métaphorique. Pourtant, si le film démarre de manière saisissante et conserve longtemps une intensité remarquable, son dernier tiers s’abandonne à une violence frontale qui affaiblit la peur au lieu de l’exacerber.
Le début frappe par son atmosphère tendue et nerveuse : un mystère plane autour d’enfants disparus, la figure inquiétante d’un clown cauchemardesque s’impose dans les rêves collectifs, et certaines visions comme ce fusil d’assaut flottant au-dessus d’une maison marquent durablement l’imaginaire. Ces images, presque symboliques, nourrissent une réflexion sur la violence systémique aux États-Unis, la paranoïa sociale et la fragilité du lien de confiance dans l’éducation. Cregger met ainsi en place un thriller sombre, angoissant, où le spectateur doute constamment du réel et du surnaturel.
Mais lorsque le film bascule dans son dernier acte, quelque chose se dérègle. L’atmosphère anxiogène et subtile cède alors la place à une escalade gore et à des affrontements quasi héroïques. Là où la peur naissait de l’incertitude et de la suggestion, elle disparaît au profit d’une brutalité spectaculaire. Cette rupture de ton déçoit d’autant plus qu’elle rompt avec la finesse patiemment construite jusqu’alors. La cohérence elle-même se fissure : des enfants soudain dotés d’une force surhumaine, une professeure centrale mais trop vite isolée, une ville étrangement passive face à des disparitions massives. Dans la réalité et dans la plupart des fictions américaines, on attendrait une mobilisation policière et fédérale énorme ; ici, ni l’agitation du commissariat ni l’ampleur des recherches ne sont montrées. Ce manque de réalisme affaiblit la crédibilité de l’ensemble.
On note aussi un certain flottement dans les réactions des personnages. Même confrontés à l’anormal ou à des attaques directes, ils mettent un temps excessif à réaliser l’ampleur du danger, à fuir ou à se défendre, ce qui ralentit la tension dramatique. Enfin, la conclusion, avec un ton presque de « happy ending », surprend par son décalage. Après un déferlement de violence et d’horreur, cette résolution optimiste paraît difficile à intégrer et laisse une impression de faux pas.
Reste que le film témoigne d’un vrai potentiel : Cregger confirme sa capacité à créer des images fortes et à questionner, par l’horreur, les obsessions de la société américaine, la peur de l’autre, l’héritage de la violence, la fragilité des liens familiaux. Mais il gagnerait à contenir son appétit d’excès et à rester dans la suggestion et l’angoisse, là où son cinéma semble le plus puissant.
En définitive, Evanouis est un film inégal : prometteur par ses visions et ses thèmes, frustrant par ses ruptures de ton et ses invraisemblances. Cregger prouve qu’il est une voix importante du cinéma de genre, mais une voix qui doit encore apprendre à ne pas se perdre dans le bruit de ses propres armes.