Qu'est-ce exactement que ce métrage bizarre, étrange, narré à la Pulp Fiction, qui a parfois des allures de Ça des années 90 avec le look de ceux des années 2020, conjuguant des scènes dignes du Prémonitions de Sam Raimi ou de l'Insidious de James Wan, avec une imagerie digne de ce dernier qui chercherait à singer Magritte ? Qui se mue tout à coup, en deuxième partie - qui tranche et détonne avec le début -, en une sorte d'épisode de Supernatural qui tenterait un cross-over avec Ma Sorcière bien-aimée sauce Arsenic et vieilles dentelles ou le sketch Dirty grannies des Monty Pythons ? Qu'est-ce que ces titres discordants ?
La réponse est simple, pour peu que l'on connaisse ce genre un peu oublié qu'est le grotesque - tel que théorisé par Victor Hugo dans sa Préface de Cromwell en s'appuyant, en autres, comme bon nombre de romantiques et même de romantiques noirs avant qu'ils ne sombrent dans le gothique d'Ann Radcliffe, sur l'œuvre de Shakespeare et sur l'inquiétante étrangeté des contes allemand des XVIIIe et XIXe siècles. Car, si le film donne l'illusion d'une réécriture du Joueur de flûte de Hamelin, il s'avérera vite tout autre pour donner, comme A Cure for Life l'a fait avec les vampires en son temps, une variation nouvelle du film de sorcières.
Mais alors, selon Victor Hugo, qu'est-ce que le grotesque ? Le mot en soi nous fait penser au ridicule, au rire - et se définit bien ainsi. Mais le mot résonne caverne, peintures rupestres, gravures des tombeaux italiens du XVIe siècle aussi. Et ce sont ces deux aspects que l'auteur de La Fin de Satan trouve, par exemple, dans les tapisseries de Macbeth qui abritent des sorcières. Opposé au sublime baudelairien, qui allie beauté et peur, le grotesque hugolien associe peur et ridicule, soit l'idée de quelque chose de si comique et bizarre qu'il en devient effrayant, apte même à combiner rire et peur face à un même spectacle.
C'est exactement ce type de spectacle, désappointant qu'offre ce singulier Évanouis: satire sociale et illustration des peurs que l'on peut avoir les uns des autres, de leurs dérives mais aussi scène d'épouvante et d'horreur dont les effets étranges, lorsqu'ils sont bien dosés force l'effroi, lorsqu'ils sont étirés force le rire. Un adversaire fanatique qui revient à la charge dans un cri d'abord effrayant puis vite gaguesque, comme dans un comique de répétition horrifique, par exemple. Une fin à la Blanche-Neige mêlée du Parfum de Süskind, qui oscille entre reprise des lieux communs des films de zombies, comiques de situation hilarants (surtout parce que vindicatif) et horreur de ce que provoque la folie de la scène, surtout venant de ceux qui s'en font les acteurs involontaires, pour illustrer encore. Un être terrifiant qui se glisse dans u véhicule pendant le sommeil, plutôt lourd étant donné le contexte, de la conductrice, armé de lames mais se contentant de jouer au coiffeur morbide, histoire de tuer indirectement et seulement plus tard ...
Le grotesque hugolien auquel, nous, public du XXIe siècle ne sommes plus habitué.
Un casting inattendu et intéressant d'Alden Ehrenreich, trop connu pour Solo ou Ave César, qui a débuté en guest-star de Supernatural combattant les Wendigos, le passage trop bref de Justin Long, gaffeur de Dodgeball, nerd de Die Hard IV, médecin crétin d'Idiocracy mais aussi et surtout vedette de Jusqu'au bout de l'Enfer de Sam Raimi (qui jouait déjà aussi sur le grotesque, comme Evil Dead avant lui d'ailleurs), la star montante quoiqu'agaçante Julia Garner que l'on aura vue cette année également de rôle de la Surfeuse d'argent des 4 Fantastiques mais avant tout dans les films horrifiques Wolfman et L'Appartement 7A, l'acteur Benedict Wong découvert par beaucoup dans le MCU, notamment à travers la saga Dr Strange, à Josh Brolin que l'on imagine aisément faire disparaître la menace du jour en un claquement de doigt comme son personnage d'antagoniste du même MCU.
Reste néanmoins quelques bévues.
Une fin très abrupte, un récit cadre anonyme qui tente de donner un aspect conte autour du feu mais sous-exploité, une petite séquence de wokisme soft bien inutile mais encore dans l'air du temps avec le principal et son conjoint et l'impression que le réalisateur maîtrise mal son message herméneutique: quid du 2:17 ? d'où sort cette tante ? Doit-on y voir un message politique comme pensent beaucoup au vu de la démarche cartoonesque des possédés? Ou une caricature à la Daniel Pennac de la Société et des médias - la "Tata Marketing" de Chagrins d'école - qui pousseraient les gens à la violence, en feraient des armes susceptibles à tout instant de devenir des armes, au rejet les uns des autres ou encore l'indifférence, comportement fréquent même des personnages non possédés, très bizarre tout au long du métrage ?
Une chose est certaine: ce métrage ne laisse pas indifférent et a tenté quelque chose qui ne se faisait plus, ce qui divise autant ses deux parties majeures que ses spectateurs, entre éclats de rire et reculs de peur.