Incroyable de voir comment, avec un univers pourtant similaire, ces deux films mériteraient de voir leur place échangée, tant Ex Drummer affirme son statut de film culte sans jamais céder à l'hystérie de Trainspotting, tout en explorant continuellement son univers déglingué. Sans idéal, sans pitié, mais non sans humour, il suit les répétitions d'un groupe "d'handicapés", qui pour tenter de percer demande à un musicien célèbre de rejoindre leur groupe de rock au post de batteur. Intrigué par cette idée à fortiori stupide, notre personnage décide de les suivre pour s'offrir une visite au zoo, un zoo humain dont il verra les comportements les plus ahurissants, sans devoir le subir au quotidien.


La vision des personnages secondaires du film est absolument sans concessions. Ils sont encore humains mais ont tous des comportements destructeurs à différents niveaux. La misère dans laquelle ils se drapent pose le décor (touchant le chômage, ils vivent dans des taudis en espérant percer dans la musique), mais ils l'agrémentent régulièrement de leurs différents vices. Dans ce contexte, le personnage de la ville est particulièrement cynique, puisqu'il se pose constamment en critique de cette misère sociale, qu'il exploite en tenant un livre. Il se paye ainsi régulièrement la tête des types qu'il croise, tout en dirigeant les efforts du groupe pour tenter de faire évoluer la situation. Le film serait insupportable de noirceur si l'humour des dialogues (et quelques situations absurdes comme le vagin béant) ne venait alléger la chose, désamorçant le drame sans jamais réduire l'impact profondément violent du contexte.


Ainsi, le film ne cherche jamais à instaurer la proximité avec tous ces personnages, qu'il expose sous un jour défavorable (tous les pauvres sont des déchets plus ou moins décadents, le riche est un type commun vulgaire et méprisant), mais auquel il accorde des instants de profondeur. Cette interrogation autour de la mort du roi Baudoin, à priori absurde, finit par s'imposer comme un leitmotiv, un petit fragment de monde extérieur qui touche à la mort et, derrière, à la futilité de leur existence. Et pour compléter cette interrogation commune, chaque personnage aura droit lors de la conclusion à une courte séquence (au gore absurde) où son personnage explique en peu de mots un trait précis édifiant de leur personnalité. Même dans l’innommable ou l'horreur (l'étudiante violée durant son enfance, l'homo séropositif qui contamine ses partenaires pour répandre sa haine et son dégoût...), la profondeur en devient abyssale.


Ex drummer regorge de véritables moments de gravité, ainsi que de partis pris visuels particulièrement travaillés. Le film a beau cultiver une esthétique punk dans des décors crasseux, son cadrage est élégant, son esthétique est manifeste et ses effets spéciaux invisibles. Il a cette science infuse de l'esthétique underground qui peut filmer n'importe quoi en réussissant à capter un truc joli, en tout cas à créer un équilibre ou à poser une esthétique. Épaulé par une bande originale particulièrement planante (la musique de Mogwai y est récurrente, souvent mélancolique), Ex Drummer confirme un cumul de talents qui rend la plongée particulièrement prenante, parvenant à introduire l'humour sans jamais lui sacrifier la dureté de sa description. Un chef d'oeuvre dans l'ombre...

Voracinéphile
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le 15 mars 2017

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