Haddonfield,petite ville de l'illinois,1963.Michael Myers,un gamin de six ans,assassine sa soeur aînée à coups de couteau la nuit d'Halloween.Quinze ans plus tard,il est toujours enfermé dans un asile,mais il parvient à s'en échapper,poursuivi par son psychiatre le docteur Loomis.Il file direct à Haddonfield et squatte son ancienne maison,abandonnée depuis la nuit de l'horreur et bien délabrée.Errant dans le patelin,il repère trois lycéennes,la sage Laurie Strode et ses copines délurées Annie et Lynda.Ca tombe bien,c'est Halloween,et la nuit va être chaude pour ces jeunes filles.Pour ce qui n'était que son troisième film,John Carpenter signe une des oeuvres pionnières du slasher et un classique instantané du genre horrifique.C'est fait dans une économie de série B et en famille,le réalisateur étant également coscénariste et coproducteur avec sa compagne de l'époque Debra Hill,,native tiens donc d'Haddonfield,mais dans le New Jersey,et composant en plus cette fantastique musique tintinnabulante et angoissante qui n'est pas pour rien dans la réussite de l'entreprise.Ses potes de l'université,avec qui il avait monté un groupe musical,ont aussi répondu présents.Tommy Lee Wallace,qui réalisera quatre ans plus tard un excellent "Halloween 3",est monteur et décorateur,tandis que Nick Castle,lui aussi futur cinéaste,se cache sous le masque de Myers.L'immense Dean Cundey,qui accompagnera Big John tout au long de sa carrière,crée une mirifique photo à la fois réaliste et onirique qui sublime notamment les nombreuses scènes nocturnes.En outre,on retrouve parmi les acteurs Charles Cyphers et Nancy Loomis,ici père et fille,qui jouaient déjà dans le précédent Carpenter,"Assaut",deux ans plus tôt.Même si Mustapha Akkad a coproduit le film,il s'agit d'une oeuvre au rapport qualité-prix exceptionnel au vu du peu de moyens financiers engagés.L'histoire nous plonge au coeur d'une petite ville américaine typique,avec ses jolies rues propres bordées de coquets pavillons,un univers calme et rangé où rien d'anormal ne peut en principe arriver.Et pourtant un enfant a priori ordinaire va apporter le chaos en ce lieu idyllique.On ne saura rien des antécédents de Michael,était-il un gamin équilibré avant cette fameuse nuit?Avait-il donné des signes de folie au préalable?Quoi qu'il en soit la psychiatrie ne l'a pas amélioré car il est devenu un adulte mutique,sans morale,sans intellect,un être vide n'obéissant qu'à ses pulsions meurtrières.Carpenter fait admirablement monter la sauce en utilisant un efficace montage parallèle entre Myers,ses futures victimes et le docteur Loomis qui recherche désespérément son patient et le retrouvera trop tard.Les filles,insouciantes,babillent à propos des garçons et de leurs jobs de baby-sitters,fument des joints et programment leur soirée.Il y a bien ce type masqué bizarre qui apparait et disparait devant elles,mais bon c'est Halloween.La journée se passe,Laurie et Annie vont garder des mômes dans des maisons qui se font face,Lynda doit les rejoindre avec son boyfriend,une soirée ordinaire.C'est là que le taré va enfin passer à l'action,mais la mise en scène retarde l'échéance,on croit que ça va arriver là,quand une des nanas est vulnérable,et puis non,on attend encore,tout en sachant que l'inéluctable va inévitablement se produire,un régal de progression dramatique qui joue avec nos nerfs.L'ambiance est pourtant ouatée,cette douce tiédeur de la nuit au coeur de l'american way of life,ce qui crée un contraste avec la violence attendue et,toute honte bue,espérée par le spectateur.Il faut dire que les auteurs jouent astucieusement la carte de l'érotisme.Annie,la fille du shérif,et Lynda sont de sacrées coquines qui ne pensent qu'à copuler avec leurs petits amis,et la caméra multiplie les plans suggestifs,Annie coincée dans une fenêtre,en petite culotte et le cul en l'air,Lynda qui fornique énergiquement avec son mec,puis le voit revenir dans la chambre déguisé en fantôme,sauf que ce n'est pas lui,des plans nichons par ci par là,bref ça suinte la testostérone et la cyprine.Ce qui n'est pas gratuit car on pourrait voir dans les évènements qui suivront un manifeste à la fois puritain et anti-puritain.Les dévergondées sont punies,la seule à s'en tirer étant la vierge Laurie,même si le cinglé tente de la tuer aussi.Mais cette lecture peut être contredite par la personnalité perverse et malsaine de leur agresseur,manifestement un obsédé sexuel,probablement impuissant et compensant son état par des pénétrations à la lame d'acier.D'ailleurs,l'acte fondateur de sa psychose n'est autre que cette nuit où sa soeur,profitant de l'absence de leurs parents,a accueilli à domicile son copain et s'est fait sauter avant que le petit Michael ne vienne la suriner.Il est depuis obsédé par l'idée de reproduire cet acte ignoble mais qui a sans doute forgé sa libido tordue,comme dans "La vie criminelle d'Archibald de la Cruz" de Bunuel.La faiblesse du film vient de l'aspect fantastique qui lui est dévolu,Myers étant carrément présenté comme un être indestructible,le Mal personnifié,Satan en quelque sorte,ce qui est regrettable car la dimension réaliste du récit fonctionne parfaitement et n'a pas besoin de cette béquille.Le gars est frappé,prend des coups de couteau et de divers objets contondants,se fait flinguer au revolver,et il continue à courir comme un lapin,disparaissant mystérieusement après s'être fait plomber et avoir chuté d'un étage.Mais sans doute les abondantes suites qui adviendront étaient-elles envisagées,ce qui expliquerait qu'on ne veuille pas se débarrasser du serial killer aux oeufs d'or.La débutante Jamie Lee Curtis crève l'écran en jeunette sérieuse et studieuse,qui se révèlera aussi courageuse et combative dans l'adversité.Le formidable Donald Pleasence performe grave en médecin renonçant au Serment d'Hippocrate qui veut absolument éliminer son patient,dont il est le seul à avoir évalué la dangerosité extrême et définitive.Les très mignonnes Nancy Loomis,tiens,comme le toubib,et P. J. Soles,sont savoureuses en victimes expiatoires.Charles Cyphers est bien en shérif massif et rassurant ignorant les turpitudes de sa progéniture,et la gamine Kyle Richards,qui avait été révélée dans la série "La petite maison dans la prairie",tourne là un des nombreux films d'horreur dont elle s'était fait une spécialité à l'époque.Elle est par ailleurs la tante de Paris Hilton.Petite curiosité,on voit dans le film une télé diffusant "The thing",dont Carpenter fera le remake quatre ans plus tard.