Après le visionnage à moult reprises de la bande-annonce dû une communication publicitaire particulièrement intensive, le moment est enfin venu de voir le tant attendu Her. Un scénario alléchant, un Joaquin Phoenix séduisant, le tout bercé par la voix de Scarlett Johansson, le film semblait partir avec des avantages certains. Mais à la sortie de la salle, je suis plutôt perplexe.
Le scénario d’abord. L’idée est très bonne, c’est original, nul doute là-dessus et loin de moi l’idée de vouloir remettre en cause la victoire de l’oscar du meilleur scénario original. Le problème, c’est que c’est presque « trop » original. Il y aurait moyen d’exploiter le scénario sous plein d’aspects différents, tous plus passionnants les uns que les autres. De 1, l’histoire se déroule dans un futur proche, on est donc dans de la science-fiction. Je ne demande pas à Jonze de s’inspirer de 2001 pour réaliser sa love story (quoi que l’ordinateur doté de conscience puisse brièvement évoquer HAL), mais quand même, la SF est bien délaissée et l’histoire d’amour prend le dessus haut la main. Et c’est un peu dommage parce qu’en soit, l’histoire d’amour n’apporte rien d’aussi original que le scénario pouvait le laisser penser. On assiste au déroulement d’une histoire d’amour assez clichée : ils se rencontrent, apprennent à se connaître, deviennent amis, couchent ensemble, honeymoon des premiers mois, coup de mou, on croit que ça repart, puis en fait ça s’arrête définitivement. Certes, cet enchaînement d’événement a l’avantage de parler à bon nombre de spectateur qui peut ainsi reconnaître au moins un épisode de sa vie, mais ça reste tout de même un peu plat, et prévisible.
Phoenix (Theodore) maintenant. C’est LE point positif du film. Déjà rien que sa manière « corporelle » de jouer, et la manière dont son corps est filmé sont à mon sens très réussies. Il en impose quand on le voit marcher avec ses pantalons taille haute, ses chemises rentrées dedans et son air mélancolique. Lorsqu’il parle à Samantha (la voix de Johansson) il est souvent filmé en gros plan allongé sur son lit, de telle sorte que ses traits de visage très expressifs ressortent. En soi son jeu n’a rien d’exubérant, mais il est en plein dans son rôle ; rôle d’ailleurs qui m’évoque celui qu’il tenait dans Two Lovers, encore un homme en proie aux tragédies amoureuses. Son jeu presque « minimaliste » s’inscrit totalement dans le message que délivre le film : c’est vide, irréel, immatériel. Le métier de Théodore : écrire des lettres personnelles (avec une illusion de « fait main ») à la demande de clients. La copine de Théodore : une voix de logiciel informatique. Dans ce futur proche, tout n’est que « fake » si je puis dire, et je trouve ce message du film très fort, ou du moins ça aurait pu l’être. Tous les points que le film soulève à propos de la sociabilité, la solitude, le rapport au corps, le mensonge, l’illusion, la dangereuse dépendance aux technologies (et j’en passe) ne sont qu’évoqués et pas vraiment approfondis. C’est ce qui m’a principalement frustré. Il y avait matière à donner une réelle profondeur à ce film mais j’ai le sentiment que Jonze n’y est pas parvenu. Toutes ces interrogations d’ordre métaphysico-philosophiques sont refourguées à l’arrière-plan, derrière le décor du film d’un esthétisme particulièrement aseptisé. Tout le monde est beau et stylé, tous les endroits sont beaux et stylés. Certains ont critiqué ce fait mais je vois plutôt ça comme un parti pris. Jonze n’avait pas en tête de réaliser une peinture sociale de Los Angeles, il voulait simplement raconter l’histoire de ce trentenaire aisé.
Je finis avec la voix de Johansson. D’un côté, je me suis rendue compte que je ne prêtais pas assez attention aux voix des acteurs quand ils sont physiquement présents. Je les regarde et fais attention à leur allure ; je les entends mais je ne les écoute pas profondément. Ici j’ai vraiment pu m’imprégner de la voix de Johansson (il faut voir ce film en VO évidemment). Mais par contre, à mon plus grand regret, une construction mentale a fait que, sachant que cette mystérieuse voix était celle de Johansson, j’ai constamment été « polluée » par une image que j’avais d’elle en tête. Quand je l’entendais, je superposais involontairement sa tête à l’écran de cinéma. Mon esprit n’arrivait pas à accepter le concept d’une voix totalement désincarnée.
Au final, malgré cette critique qui peut paraît plutôt négative, je mets quand même 7/10. Oui. Oui parce que je reste sur une note globalement positive avec de bons acteurs, une idée de base originale bien que pas vraiment traitée de manière optimale, et je garde en tête deux très bons éléments : la première scène d’amour entre Théodore et Samantha, et l’utilisation particulièrement pertinente de la musique.