L’histoire n’est pas mauvaise — elle se tient, les enjeux sont clairs. Mais il manque ce je-ne-sais-quoi qui ferait ressentir la vraie transition vers l’après-tyran Lancelot. Là où l’on attendait un souffle nouveau, une reconstruction, le film reste souvent dans la répétition.
Astier rejoue des scènes déjà connues celle de l’abandon, où Arthur repose Excalibur et fait l'ado. C’est du déjà-vu.
Et pourtant, il y a de belles intentions : le principe des quêtes parallèles fonctionne bien, on sent que le monde a évolué, que chacun refait sa vie à sa manière. Cette idée d’un renouveau inspiré par une nouvelle Table ronde apporte une promesse intéressante… mais le film peine à la concrétiser. L’élan est là, sans jamais vraiment s’élever.
Sur le plan du scénario, c’est clairement là que le film montre ses limites. L’intrigue se disperse dans trop de directions, avec trop de personnages et très peu de fils narratifs qui aboutissent réellement. On sent une ambition de fresque, de récit choral, mais le résultat manque de cohérence et de progression dramatique.
La quête de Gauvain pour retrouver Yvain aurait pu donner lieu à une quête pleine d’indices, de rebondissements car c'est un personnage centrale qui a disparu. Non, il revient les mains vides, avec une simple blague. Ce choix, censé sans doute incarner l’humour léger de Kaamelott, tombe à plat et laisse un goût de frustration.
Perceval, lui, partait sur une idée intéressante : le faire apparaître par fragments via ces lettres mais il divague trop. Sa trajectoire finit par tourner à vide. On espérait un pas vers le Graal peut-être ; on n’a qu’une errance inutile conclue par un retour pas trop loin de Kaamelott pour surveiller Excalibur.
Lancelot bénéficie d’une belle évolution sur le papier : son arc est cohérent, sa trajectoire post-tyran est pleine de potentiel dramatique. C’est lui qui, paradoxalement, incarne le mieux le thème du film — la chute, la rédemption, la reconstruction. On sent qu’Astier veut en faire un pivot moral et symbolique, celui dont le retour pourrait vraiment changer la donne mais c'est trop timoré.
Les autres intrigues tiennent un peu mieux, même si la demi-sœur à Tintagel paraît traitée à la va-vite, presque décorative. Quant aux autres groupes, ils fonctionnent globalement très bien.
Le plus grand problème reste la temporalité. On sent que des mois passent à l’extérieur — les quêtes, les voyages, les reconstructions — mais les druides, eux, sont enfermés dans les sous-sols du château tout le long du film, comme figés dans le temps. Ce décalage casse la fluidité du récit : on ne sait pas comment l'intrigue des druides se synchronisent.
Les acteurs sont très inégaux. Certains se sont pleinement approprié le ton plus cinématographique du film, tandis que d’autres restent figés dans une approche très théâtrale. Ce décalage crée une forme d’hétérogénéité. On sent que tout le monde ne joue pas dans le même registre, ni dans le même film.
Un des pires : Lancelot. L’acteur reste prisonnier du ton et du jeu de la mini-série, sans jamais atteindre la gravité ni le charisme que son rôle exige désormais. Là où le scénario le place au centre d’un renouveau, il n’impose pas la présence nécessaire pour que ce “comeback” fonctionne pleinement.
En supplément, il faut reconnaître à Astier une transition vers le cinéma de plus en plus maîtrisée. Le film a de la gueule : la mise en scène est ample, la direction artistique soignée, les décors et les effets visuels (VX) sont à la hauteur. On sent une vraie montée en gamme par rapport au premier volet. Le tournage respire la technique.
En définitive, Kaamelott est un film ambitieux visuellement maîtrisé, mais qui peine à transformer cette ambition en véritable élan narratif. Astier prouve qu’il a désormais les épaules pour le grand écran — la mise en scène, la photo, la musique, tout respire le cinéma — mais le récit reste trop éclaté, freiné par des arcs secondaires inaboutis et une direction d’acteurs inégale.
Le film n’est donc pas un échec. C’est une transition.