L'Apprenti Justicier

Quant un genre connaît de l’essor et que chacun y va de son interprétation en réemployant les mêmes recettes formaté et codifié, il faut s’attendre à ce que des trublions en prennent le contrepied pour aborder une réflexion sur le succès qu’il engendre et sur son impact auprès des fans. Kick-Ass de Matthew Vaughn, c’est un peu le glaviot régurgité de cette pop-culture autrefois en « marge » et réservé aux geeks à lunettes couramment humilié dans la cour de récré. Le personnage principal pleinement conscient de cette univers fictif de comics, est donc lui aussi un nerd en pleine crise d’ado identitaire, à un âge où les hormones sont en émoi et où l’on recherche déjà une forme de reconnaissance, notamment pour plaire aux femmes. On n'a pas besoin de super pouvoirs pour devenir un super héros. Mais à défaut d‘être aussi riche que Bruce Wayne ou d’avoir la carrure d’Arnold Schwarzenegger, Dave Lizewski va devoir s’entraîner dure entre deux sites pornos s’il veut pouvoir espérer botter des culs, d’autant que son seul et unique talent est celui de laisser les gens totalement indifférent. Son premier combat va se solder par un coup de canif dans l’estomac, y a mieux comme entrée en matière. Après un détour par la case hôpital, il s’attaque à un groupe de délinquant et manque de peu de se prendre une raclée. Ses exploits lui permettront néanmoins de devenir une icône sur les réseaux sociaux et de se faire remarquer par deux zozos encore plus déséquilibré que lui, Hit Girl et Big Daddy.

Revêtir le masque pour tabasser des dealers à coup de tonfa n’a donc ici rien d’un acte héroïque, puisqu’il le fait moins par altruisme que pour prendre une revanche sociale. D’ailleurs, ses homologues ne chercheront pas vraiment à faire le bien autour d’eux, on ne les verra jamais sauver des vies d’un immeuble en feu. Les bonnes actions sont réservées aux super-héros imaginaire tel que Superman ou bien aux pompiers qui n’ont pas grand-chose d’autres à faire de leur journée. Le couple père-fille aux caractères psychotique donne dans le pur vigilantisme, leur quête de dessouder des gangsters à coup de mitrailleuses et de shuriken ne relève pas d’une volonté de remettre de l’ordre dans la société mais plutôt d’un désir de vengeance personnelle suite à la perte de l’être aimée. Big Daddy est un commun ersatz de Batman, peut-être en plus bad-ass qui élève seul sa fille aux techniques de combat et à l’utilisation des armes. Hit-Girl est une fille déscolarisé en marge des institutions comme son père autrefois policier, le duo semble baigner depuis longtemps déjà dans le milieu du crime, en atteste leur dextérité et habileté lors des différents affrontements.

Ce parallèle constant entre la vie banale de lycéen (les cours, les copains, les amours, les emmerdes) et le quotidien atypique et dangereux de cette activité participe à rendre l’ensemble des protagonistes bien plus humains et attachants. Alors forcément, quand leur vie est menacée et que les évènements dépassent de loin le stade du jeu pour enfant, la réalité aussi cruelle soit-elle se charge de rappeler aux personnages leur condition d’être mortel et aux spectateurs que toute action entraîne des conséquences tragiques. C’est là aussi que le film verse dans l’auto-parodie sanglante entre une casa-nostra stéréotypé, et des justiciers en collant jouant également leur rôle au premier degré tout en ayant conscience de la parfaite incongruité de leurs comportements. Derrière ses provocations outrancière, Kick-Ass ne cherche jamais à prononcer de discours moralisateur sur la jeunesse un brin paumé de notre génération (l'avènement des réseaux sociaux, la conquête de la célébrité, les comportements borderline) mais à délivrer un vénérable défouloir thérapeutique et subversif pour remuer un peu le paysage sclérosé de la production Hollywoodienne. Quant à ceux qui voudraient s’improviser redresseur de torts, le réalisateur prévient sur les déboires physiques et dégâts collatéraux que ces dérives peuvent parfois engendrer de pire. En d’autres terme, ne faites pas ça chez vous.