Krisha
6.3
Krisha

Film de Trey Edward Shults (2015)

J'emprunte le titre d'Orelsan car il ne pourrait pas mieux convenir à Krisha. Mais laissez immédiatement de côté le caractère humoristique du morceau car ici l'atmosphère est toute autre.
Pas de rires ou de second degré. Ici l'atmosphère qui nous accable une fois encore dans ce premier film du réalisateur de It comes at night est ancrée dans un quotidien effrayant.
Trey Edward Shults réussissait déjà un film surprenant en orchestrant les fêtes d'une famille a priori soudée.
En un premier plan figé, immersif et déstabilisant, se dessine comme une apparition d'abord fantomatique le visage gorgé de désespoir de Krisha qui nous happe, nous emprisonne en jetant la clé. Une entrée en matière foudroyante et intrigante, qui nous laisse imaginer dans quel décor, elle pourrait ainsi rester immobile. Le piège de la curiosité est parfait. Vous avez toute mon attention monsieur Shults. Procédez.


Krisha traite comme un thriller le retour de cette femme au sein de sa famille pour les fêtes. Tout y est, de la bande sonore agressive et répétitive à vous rendre fou, aux plans tantôt figés sous les regards lestés de non-dits, tantôt étourdissants dans l'illustration de la perte de contrôle. On sait, dès cet accueil bien trop enjoué pour ne pas refouler un passé familial pesant, tel cet amas de poussière maladroitement dissimulé sous le tapis, que tout cela va mal se terminer, mais pas forcément comme on l'imagine.


La réussite du film tient dans cette mise en scène dérangeante, dans le flou initial qui entoure les malaises latents, mais aussi dans les acteurs, parfaits inconnus qui s'agitent autour de Krisha Fairchild. L'actrice, tante de Trey Edward Shults à la ville qui joue ici le rôle du fils, est magistrale à chaque plan, de l'indécision à l'exubérance, de la fragilité à l'implosion. Elle est le cœur malade de cette famille dysfonctionnelle qui s'ignore, toute aussi détestable, entre les cousins décérébrés et agaçants sans cesse engagés dans une compétition virile ou son beau-frère, malheureux aigri à la rancœur mal placée, elle est le bouc-émissaire nécessaire à la cohésion du groupe.


Le film va crescendo, levant le voile sur les ressentiments tenaces, transformant doucement l'amertume en une véritable chape de plomb par le biais de cette mise en scène qui lorgne vers le thriller psychologique et fantastique. On s'attend à ce que Krisha déraille et le véritable tour de force de ce premier long métrage, c'est de réussir à nous faire suffoquer avec des situations très terre-à-terre tout en titillant nos idées préconçues, résultats d'heures de visionnage de ces films où généralement, le surnaturel s'invite discrètement dans la psyché des personnages.


Avant It comes at night, tout aussi surprenant, le réalisateur jouait déjà avec les codes du cinéma d'épouvante. Il nous offre là un drame familial sous forme de huit-clos dans lequel s'agitent des individus malheureusement pour nous plus vrais que nature. Le malaise est palpable car l'horreur est humaine et ça, en deux films, Trey Shults l'a bien compris.

RicowRay
8
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le 4 mars 2020

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RicowRay

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