Un soleil de plomb
C'est un truisme que d'affirmer qu'adapter Camus est plus difficile que de puiser dans Simenon, au hasard. C'est qu'il n'est pas question de trahir l'esprit de l'auteur de L'Étranger, tout en...
le 17 oct. 2025
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"L'étranger" : dernier Ozon et adaptation du roman éponyme de Camus. Le générique fait apparaître le titre, "L'Étranger", en arabe puis en français, ce qui donne un ton d'actualité à un récit datant d'avant la Seconde guerre mondiale dans d'Algérie française. Le réalisateur est fidèle à l'esprit et au fond du roman, tout en s'accordant quelques libertés pertinentes. Ainsi le film commence par Meursault qui déclare à un détenu à son arrivée en prison qu'il a tué un arabe, alors que le célèbre incipit du livre est " Aujourd'hui maman est morte...". Suit un flash-back relatant la vie de Meursault, de l'annonce de la mort de sa mère jusqu'au crime dont il est l'auteur ainsi qu'à son arrestation, ce qui constitue la première partie du film. La deuxième partie est celle du procès de Meursault et de son issue. Une "touche-Ozon" figure, semble-t-il, à travers quelques allusions ténues et floues à l'homosexualité, ce qui apporte une complexité supplémentaire au personnage de Meursault. Le personnage de Marie avec laquelle il a une relation amoureuse est davantage présent dans le film que dans le roman, ajoutant de l'humanité à cette histoire. Le tout donne de la chair au film qui met également à l'honneur quelques magnifiques pages d'écriture de Camus. Mais la réalisation cinématographique mise aussi sur les longs silences de Meursault qui caractérisent le personnage. Pas plus dans le film que dans le roman, l'on ne livre une explication au comportement pathologique de Meursault, étranger au monde et à lui-même, donnant le sens du titre du livre et du film. Il est hermétique aux sentiments et fondamentalement indifférent à tout ; l'absence d'évocation de son prénom met en exergue son identité en partie désincarnée. Les deux rôles principaux, ceux de Meursault et de Marie, sont interprétés pas deux acteurs dont la présence crève l'écran : Benjamin Voisin et Rebecca Marder. Leur jeunesse et leur plastique ainsi que les scènes de leur rapports sexuels mettent en relief, comme en négatif, la noirceur de la situation. De très beaux personnages secondaires enrichissent utilement le film. La photographie est prodigieuse : le noir et blanc qui a été choisi pour des raisons de coûts paraît-il, contribue à la force du récit et à l'évocation de l'époque de l'Algérie française. Le générique et les premières minutes du film nous plongent dans l'ambiance. La vie dans la colonie algérienne est présentée comme idéale ; les actualités cinématographiques de l'époque affirment que les relations entre les deux populations sont cordiales. Or tout dans le film marque la violence et l'hostilité des relations sociales entre européens et "indigènes", mais aussi des relations entre hommes et femmes, entre humains et animaux. Ce contexte apporte un certain éclairage au crime commis, sans pour autant l'expliquer bien sûr. Mention spéciale pour une très belle scène du film: la confrontation de Meursault qui rejette violemment l'aide de Dieu auquel il ne croît pas, et du prêtre qui cherche à la lui imposer. Mention pour trois des images réussies du film : celle de la lumière aveuglante sous le soleil algérien, notamment celle de la lame du couteau de l'Arabe qui sera assassiné, celle des scènes douces et sensuelles de Meursault et de Marie aux bains d'Alger, celle de la scène onirique dans le désert algérien confrontant de façon graphique, Meursault et sa mère d'une part, la guillotine dont la lame scintille et le bourreau d'autre part. Une réflexion et un questionnement sur la Justice nous sont proposés : le meurtrier est condamné davantage pour son indifférence à tout pathologique, que pour le crime d'un Arabe dont la gravité est secondaire dans une société ségréguée. Excellent cinéma !
Créée
le 1 nov. 2025
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