Kaurismäki filme la possibilité d’une vie digne dans un monde qui ne l’est plus vraiment. Tout est simple, presque dépouillé, mais jamais sans relief. Un homme perd la mémoire, se relève, traverse Helsinki en silence, et retrouve peu à peu une place parmi ceux que la société a déjà oubliés.
On pourrait croire à une fable, mais le film reste ancré dans le réel : chômage de masse, containers métalliques, institutions indifférentes. Rien n’est démontré, tout est montré. Ce qui frappe, c’est l’économie de moyens : dialogues courts, gestes retenus, visages immobiles.
Ce minimalisme une manière d’habiter le monde quand les mots ne suffisent plus. Et au milieu de ça, il y a l’humour. Pas un humour "finlandais" comme cliché exotique, mais un humour qui surgit précisément de la situation sociale. Une scène trop longue à la banque, un gardien qui récite son règlement comme un automate, une fanfare de l’Armée du Salut qui joue du rock sans conviction : ce ne sont pas des gags, ce sont des décalages secs qui montrent comment la réalité elle-même tourne parfois à l’absurde.
Kaurismäki ne cherche ni à attendrir ni à accabler. Il filme les marginaux, les chômeurs, les oubliés comme des personnes, pas comme des symptômes. Le film se développe lentement, par petites scènes et c’est dans ce rythme que naissent des formes de solidarité réelles : prêter un réchaud, réparer une radio, s’asseoir à côté de quelqu’un sans poser de questions. Ce film propose juste l’idée que la vie peut repartir même quand on n’a plus rien à "raconter" de soi.